¶De ce qu’est signifie par les coleurs blanc et bleu. Chap. ix.

Le blanc doncques signifie joye/ soulas/ et liesse: et non a tord le signifie, mais a bon droict et juste tiltre. Ce que pourrez verifier si arriere mises vos affections voulez entendre ce que presentement je vous exposeray. Aristotele dict que supposent deux

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choses contraires en leur espece: comme bien et mal: vertus et vices: froit et chauld: blanc et noir: volupte et douleur: dueil et tristesse, et ainsi des aultres: si vous les coublez en telle faczon, qu’un contraire d’une espece conviegne raisonnablement a l’un contraire d’une aultre: il est consequent, que l’autre contraire compete avecques l’autre residu. Exemple. Vertus et vice sont contraires en une espece: aussy sont bien et mal. Si l’un des contraires de la premiere espece convient a l’un de la seconde, comme vertus et bien: car il est sceur, que vertus est bonne, ainsi feront les deux residuz, qui sont: mal et vice. car vice est maulvays. Ceste reigle logicale entendue, prenez ces deux contraires, joye et tristesse: puys ces deux, blanc et noir. Car ilz sont contraires physicalement. Si ainsi doncques est que noir signifie dueil, a bon droict, blanc signifiera joye. Et n’est poinct ceste signifiance par imposition humaine institue mais repceue par consentement de tout le monde, que les philosophes nomment jus gentium, droict universel valable par toutes contrees. Come assez scavez, que tous peuples, toutes nations (je excepte les antiques Syracousans et quelques Argives, qui avoient l’ame de travers) toutes langues voulens exteriorement demonstrer leur tristesse, portent habit de noir: et tout dueil est faict par noir. Lequel consentement universel n’est
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faict, que nature n’en donne quelque argument et raison: laquelle un chascun peut soubdain par soy comprendre sans aultrement estre instruict de persone, laquelle nous appellons droict naturel. Par le blanc a mesmes induction de nature tout le monde a entendu joye/ liesse/ soulas/ plaisir et delectation. On temps passe les Thraces et Cretes signoyent les jours bien fortunez et joyeux, de pierres blanches: les tristes et defortunez, de noires. La nuyct n’est elle pas funeste/ triste/ et melancholieuse? Elle est noyre et obscure par privation. La clarte n’esjouit elle pas toute nature? Elle est blanche plus que chose que soyt. A quoy prouver je vous pourroys renvoyer au livre de Laurens Valle contre Bartole, mays le tesmoignage evangelicque vous contentera. Matth. 17. est dict que a la transfiguration de nostre seigneur: vestimenta eius facta sunt alba sicut lux, ses vestemens feurent faictz blancs comme la lumiere. Par laquelle blancheur lumineuse donnoyt entendre a ses troys apostres l’idee et figure des joyes eternelles. Car par la clarte sont tous humains esjouyz. Comme vous avez le dict d’une vieille qui n’avoyt dens en gueulle, encores disoit elle Bona lux. Et Thobie, cap. v. quant il eut perdu la veue, lors que Raphael le salua, respondit il pas? Quelle joye pourray je avoir moy qui poinct ne voy
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la lumiere du ciel? En telle couleur tesmoignerent les anges la joye de tout l’univers a la resurrection du saulveur. Jo. xx. et a son ascension. Act. i. De semblable parure veist sainct Jean evangeliste Apocal. 4. et 7. les fideles vestuz en la celeste et beatifiee Hierusalem. Lisez les histoyres antiques tant Grecques que Romaines, vous trouverez que la ville de Albe premier patron de Rome feut et construicte et appellee a l’invention d’une truye blanche. Vous trouverez que si a aulcun apres avoir eu des ennemis victoyre, estoyt decrete qu’il entrast Rome en estat triumphant, il y entroyt sur un char tire par chevaulx blancs. Autant celluy qui y entroit en ovation. Car par signe ny couleur ne povoyent plus certainement exprimer la joye de leur venue, que par la blancheur. Vous trouverez que Pericles duc des Atheniens voulut celle part de ses gensdarmes esquelz par sort estoyent advenues les febves blanches, passer toute la journee en joye, soulas, et repos: ce pendent que ceulx de l’aultre part batailleroient. Mille aultres exemples et lieux a ce propos vous pourroys je exposer, mais ce n’est ycy le lieu. Moyennant laquelle intelligence povez resouldre un probleme, lequel Alexandre Aphrodise a repute insoluble. Pourquoy le Leon, qui de son seul cry et rugissement espovante tous
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animaulx, seulement crainct et revere le coq blanc? Car (ainsi que dict Proclus lib. de sacrificio et magia) c’est par ce que la presence de la vertus du Soleil, qui est l’organe et promptuaire de toute lumiere terrestre et syderale, plus est symbolisante et competente au coq blanc: tant pour ycelle couleur, que pour sa propriete et ordre specificque: que au Leon. Plus dict/ que en forme Leonine ont este diables souvent veuz, lesquelz a la presence d’un coq blanc soubdainement sont disparuz. Ce est la cause pourquoy (ce sont les Francoys ainsi appellez par ce que blancs sont naturellement come laict, que les Grecz nomment gala) volentiers portent plumes blanches sus leurs bonnetz. Car par nature, ilz sont joyeux/ candides/ gratieux et bien amez: et pour leur symbole et enseigne ont la fleur plus que nulle aultre blanche: c’est le Lys. Si demendez comment par couleur blanche nature nous induict entendre joye et liesse: je vous responds, que l’analogie et conformite est telle. Car comme le blanc exteriorement disgrege et espart la veue, dissolvent manifestement les esperitz visifz, selon l’opinion de Aristote en ses problemes, et des perspectifz, et le voyez par experience: quand vous passez les montz couvers de neige: en sorte que vous plaignez de ne povoir bien reguarder, ainsi que Xenophon
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escript estre advenu a ses gens: et comme Galen expose amplement libr. x. de usu partium: tout ainsi le cueur par joye excellente est interiorement espart et patist manifeste resolution des esperitz vitaulx. Laquelle tant peut estre acreue: que le cueur demoureroit spolie de son entretien, et par consequent seroit la vie estaincte, comme demonstre ledict Galen li. v. de locis affectis/ et li. ij. de symptomaton causis. Et come estre au temps passe advenu tesmoignent Marc Tulle li. j. questio. Tuscul/ Verrius / Aristotele / Tite Live / apres la bataille de Cannes / Pline lib. 7. c. 32. et 53. A. Gellius li. 3. c. 15. et aultres, a Diagoras Rodius / Chilo / Sophocles / Dionysius tyrans de Sicile / Philippides / Philemon / Po lycrata / Philistion / M. Juventius / et aultres, qui moururent de joye. Et comme dict Avicenne in. 2. canone, et lib. de viribus cordis, du zaphran. lequel tant esjouist le cueur, qu’il le despouille de vie si on en prend en dose excessifve, par resolution et dilatation superflue. J’entre plus avant en ceste matiere, que ne establissoys au commencement. ycy doncques calleray mes voilles, remettant le reste au livre en ce consomme du tout. Et diray en un mot que le bleu signifie certainement le ciel et choses celestes, par mesmes symboles que le blanc signifioit joye et plaisir.

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