Comment l'Institution de Quaresme desplaist à Epistemon. CHAP. XXVIII.
Avez vous, dist Epistemon, noté comment ce meschant et malautru, Fredon nous à allegué Mars comme mois de ruffiennerie? Ouy, respondit Pantagruel, toutesfois il est tousjours en quaresme, lequel à esté institué, pour macerer la chair, mortifier les appetits sensuels, et reserrer les furies veneriennes. En ce, dist Epistemon, pouvez vous juger, de quel
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sens estoit celuy Pape qui premier l'institua, que ceste vilaine savatte de fredon confesse soy n'estre jamais plus embrené en paillardise, qu'en la saison de quaresme: aussi par les evidentes raisons produites de tous bons et sçavans medecins, affermans, en tout le decours de l'Annee, n'estre viandes mangees plus excitantes la personne à lubricité, qu'en cestuy temps: febves, poix, phaseols, chiches, oignons, noix, huytres, harans, saleures garon, salades toutes composees d'herbes veneriques: comme eruce, nasitord, targon, cresson, berle, response, pavot cornu, haubelon, figues, ris, raisins. Vous, dist Pantagruel, seriez bien esbahy, si voyant le bon Pape, instituteur du Sainct quaresme, estre lors la saison, quand la chaleur naturelle sort du centre du corps, auquel c'estoit contenue durant les froidures de l'hyver, et si dispert par la circonference des membres, comme la sesve faict es arbres, auroit ces viandes, qu'avez dictes, ordonnees, pour aider à la multiplication de l'humain lignage. Ce que me l'a faict penser est qu'au papier baptistere de Touars, plus grand est le nombre des enfans en Octobre et Novembre nez, qu'es dix autres mois de l'Annee, lesquels selon la supputation Page [126]
retrograde, tous estoient faits, conceus, et engendrez en quaresme. Je, dist frere Jean, escoute vos propos, et y prens plaisir non petit: mais le Curé de Jambet attribuoit ce copieux engrossissement de femmes non aux viandes de quaresme, mais aux petits questeurs voultes, aux petits prescheurs bottes, aux petits confesseurs crottes: lesquels damnent, par cestuy temps de leur empire les ribaulx mariez trois toises au desoubs des grifes de Lucifer. A leur terreur les mariez plus ne biscotent leurs chambrieres, se retirent à leurs femmes: j'ay dict. Interpretez, dist Epistemon, l'institution de quaresme à vostre phantasie: chascun abonde en son sens: mais à la suppression d'iceluy, laquelle me semble estre impendente, s'opposeront tous les medecins: je le sçay, je leur ay ouy dire. Car sans le quaresme seroit leur art en mespris, rien ne gaigneroient, personne ne seroit malade. En quaresme sont toutes maladies semees: c'est la vraye pepiniere, la naifve couche, et promoconde de tous maux: encores ne considerez que si quaresme faict les corps pourrir, aussi faict il les ames enrager. Diables à lors font leurs efforts, Caffards alors sortent en place, Cagots tiennent leurs grands jours. forces Page [127]
sessions, stations, perdonnances, confessions, fouettements, anathematisations. Je ne veux pourtant inferer que les Arimaspians soient en cela meilleurs que nous: mais je parle à propos. Orça, dist Panurge, couillon cultant et fredonnant, que vous semble de cestuy-cy, est-il pas heretique? Fredon. tres. Panurge. doibt il pas estre bruslé? Fredon. doibt. Panurge. et le plustost qu'on pourra? Fredon. soit. Panurge. sans le faire pourboullir? Fredon. sans. Panurge. en quelle maniere donques? Fredon. vif. Panurge. si qu'en fin s'en ensuyve? Fredon. mort. Panurge. car il vous à trop fasché? Fredon. las. Panurge. que vous sembloit il estre? Fredon. fol. Panurge. vous dictes fol ou enragé. Fredon. plus. Panurge. que voudriez vous qu'il fust? Fredon. ars. Panurge. on en à bruslé d'autres? Fredon. tant. Panurge. qui estoient heretiques? Fredon. moins. Panurge. encores en bruslera on? Fredon. maints. Panurge. les rachepterez vous? Fredon. grain. Panurge. les faut il pas tous brusler? Fredon. faut. Je ne sçay, dist Epistemon, quel plaisir vous prenez, raisonnant avecques ce meschant penaillon de moyne: mais si d'ailleurs ne m'estiez congnu, vous me creeriez en l'entendement opinion de vous peu honorable. Allons de par Dieu, dist Panurge, je l'emmenerois volontiers à Gargantua tant il me plaist: quand je seray marié il serviroit Page [128]
à ma femme de foul, voire teur, dist Epistemon, par la figure de Tmesis. A ceste heure, dist frere Jehan, en riant, as tu ton vin pauvre Panurge, tu n'eschappe jamais que tu ne sois cocu jusques au cul.
Real
Hypothetical
Fictional
Mythical
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Region, area
Town, village
Building
Water (lakes, rivers, etc.)
mountains, islands, ...
Other
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