¶Comment Grandgouzier pour achapter paix feist rendre les fouaces. Cap. xxx.

Atant se teut le bon homme Gallet, mays Picrochole a tous ses propos ne respondit aultre chose, si non Venez les querir: venez les querir. Ilz ont belle couille et molle. Ilz vous brayeront de la fouace. Adoncques s’en retourne vers Grandgousier, lequel trouva a genous, teste nue, encline en un petit coing de son cabinet, pryant dieu

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qu’il vouzist amollir la cholere de Picrochole / et le mettre au poinct de raison, sans y proceder par force. Quand veit le bon homme de retour il luy demanda. Ha mon amy mon amy, quelles nouvelles m’apportez vous? Il n’y a, dist Gallet, ordre, cest homme est du tout hors du sens, et delaisse de dieu. Voyre mays dist Grandgousier, mon amy quelle cause pretend il de cest exces? Il ne me a, dist Gallet, cause queconques expose. Sy non qu’il m’a dict en cholere quelques motz de fouaces. Je ne scay si l’on auroyt poinct faict d’oultrage a ses fouaciers, Je le veulx, dist Grandgousier, bien entendre davant qu’aultre chose deliberer sur ce que seroyt de fayre. Allors manda scavoir de cest affayre, et trouva pour vray qu’on avoyt prins par force quelques fouaces de ses gens, et que Marquet avoyt eu un coup de tribard sus la teste. Toutesfoys que le tout avoyt este bien paye, et que ledict Marquet avoyt premier blesse Forgier de son fouet par les jambes. Et sembla a tout son conseil que en toute force il se doibvoyt defendre. Ce non obstant. dist Grandgouzier. Puys qu’il n’est question que de quelques fouaces, je assayeray le contenter, car il me desplaist par trop de lever guerre. Adoncques s’enquesta combien on avoyt prins de fouaces et entendent quatre ou cinq douzaines, commenda qu’on en feist cinq charretees en
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icelle nuyct, et que l’une feust de fouaces faictes a beau beurre, beaux moyeux d’eufz. beau saffran, et belles espices pour estre distribuees a Marquet, et que pour ses interestz, il luy donnoyt sept cens mille Philippus pour payer les barbiers qui l’auroient pense, et d’abondant luy donnoyt la mestayrie de la Pomardiere a perpetuite franche pour luy et les siens Pour le tout conduyre et passer fut envoye Gallet. Lequel par le chemin, feist cuillir pres de la saulloye force grands rameaux de cannes et rouzeaux et en feist armer autour leurs charrettes, et chascun des chartiers, et luy mesmes en tint un en sa main: par ce voulant donner a congnoistre qu’ilz ne demandoient que la paix, et qu’ilz venoyent pour l’achapter Eulx venuz a la porte requirent parler a Picrochole de par Grandguosier. Picro chole ne voulut oncques les laisser entrer, ny aller a eulx parler, et leur manda qu’il estoyt empesche, mays qu’ilz dissent ce qu’ilz vouldroient au capitaine Toucquedillon lequel affeustoyt quelque piece sus les murailles. Adoncq luy dist le bon homme. Seigneur pour vous rescinder toute ance de debat et houster toute excuse que ne retournez en nostre premiere alliance, nous vous rendons presentement les fouaces, dont est la controverse. Cinq douzaines en prindrent nos gens elles furent tresbien payeez, nous aymons
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tant la paix que nous en rendons cinq charettes: desquelles ceste icy sera pour Marquet, qui plus se plainct. Dadventaige pour le contenter entierement, voy la sept cens mille Philippus que je luy livre, et pour l’interest qu’il pourroyt pretendre, je luy cede la mestayrie de la Pomardiere, a perpetuite pour luy et les siens, possedable en franc alloy. voyez cy le contract de la transaction. Et pour dieu vivons dorenavant en paix, et vous retirez en vos terres joyeusement, cedant ceste place icy, en laquele n’avez droict quelconques, comme bien le confessez Et amys comme par avant. Toucquedillon raconta le tout a Picrochole, et de plus en plus envenima son couraige luy disant: Ces rustres ont belle peur. Par dieu Grandgouzier se conchie, le pouvre beuveur, ce n’est pas son cas d’aller en guerre, mais ouy bien de vuider les flascons. Je suis d’opinion que retenons ces fouaces et l’argent, et au reste nous hastons de remparer icy pour suivre nostre fortune. Mais pensent ilz pas bien avoir affaire a une duppe, de vous paistre de ces fouaces? voyla que c’est, le bon traictement et la grande familiarite que leurs avez par cy davant tenue, vous ont rendu envers eulx contemptible. Oignez villain, il vous poindra. Poignez villain, il vous oindra. Cza/ cza, cza/ dist Picrochole, sainct Jacques ilz en auront, faictez ainsi qu’avez dict.
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D’une chose, dist Toucquedillon, vous veulx je advertir. Nous sommes icy assez mal avituaillez: et pourveuz maigrement des harnoys de gueule. Si Grandgouzier nous mettoit siege, des a present m’en irois faire arracher les dens toutes, seulement que troys me restassent, autant a vos gens comme a moy, avec icelles nous n’avangerons que trop a manger nos munitions. Nous dist Picrochole, n’aurons que trop man geailles. Sommes nous icy pour manger ou pour batailler? Pour batailler vrayement dist Toucquedillon. Mais de la panse vient la dance. Et ou faim regne: force exule. Tant jazer: dist Picrochole. Saisissez ce qu’ilz ont amene. Adoncques prindrent argent et fouaces et beufz et charrettes. et les renvoyerent sans mot dire, si non que plus n’aprochassent de si pres pour la cause qu’on leur diroit demain. Ainsi sans rien faire retournerent devers Grandgouzier, et luy conterent le tout: adjoustans qu’il n’estoyt aulcun espoir, de les tyrer a paix, si non a vive et forte guerre.

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