¶La harangue faicte par Gallet a Picrochole. Chap. xxix.

Plus juste cause de douleur naistre ne peut entre les humains que si du lieu dont par droicture esperoient grace et benevolence, ilz repcevent ennuy et dommaige. Et non sans cause (combien que sans raison) plusieurs venuz en tel accident, ont ceste indignite moins estime tolerable, que leur vie propre, et en cas que par force ny aultre engin ne l’ont peu corriger, se sont eulx mesmes privez de ceste lumiere. Doncques merveille n’est si le roy Grandgouzier mon maistre est a ta furieuse et hostile venue saisy de grand desplaisir et perturbe en son entendement,

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merveille seroit si ne l’avoient esmeu les exces incomparables, qui en ses terres/ et subjectz ont este par toy/ et tes gens commis, es quelz n’a este obmis nul exemple d’inhumanite. Ce que luy est tant grief de soy par la cordiale affection/ de laquelle a chery ses subjectz, que a mortel homme plus estre ne scauroit, toutesfoys sus l’estimation humaine plus grief luy est/ en tant que par toy/ et les tiens ont este ces griefz/ et tords faictz. Qui de toute memoyre et anciennete aviez toy et tes peres une amitie avecques luy/ et tous ses ancestres conceue, laquelle jusques a present comme sacree ensemble aviez inviolablement maintenue/ guardee/ et entretenue, si bien que non luy seullement, ny les siens, mais les nations Barbares/ Poictevins/ Bretons/ Manseaux, et ceulx qui habitent oultre les isles de Canarreisles de CanarreCanarre / et Isabella, ont estime aussi facile demollir le firmament/ et les abysmes eriger au dessus des nues, que desemparer vostre alliance: et tant l’ont redoubtee en leurs entreprinses, que n’ont jamais ouze provoquer/ irriter/ ny endommaiger l’un par craincte de l’aultre. Plus y a. Ceste sacree amytie tant a emply ce ciel, que peu de gens sont aujourdhuy habitans par tout le continent et isles de L’ocean, qui ne ayent ambitieusement aspire estre receuz en icelle
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a pactes par vous mesmes conditionnez: autant estimant vostre confederation que leurs propres terres/ et dommaimaines. En sorte que de toute memoyre n’a este prince ny ligue tant efferee/ ou superbe qui ait ouze courir sus, je ne dys pas vos terres, mais celles de vos confederez. Et si par conseil precipite/ ont encontre eulx attempte quelque cas de nouvellete, le nom et tiltre de vostre alliance entendu, ont soubdain desiste de leurs entreprinses. Quelle furie doncques vous esmeut maintenant, toute alliance brisee, toute amytie conculquee, tout droit trespasse/ envahir hostilement ses terres, sans en rien avoir este par luy ny les siens endommaige, irrite, ny provoque? Ou est foy? ou est loy? ou est raison? ou est humanite, ou est craincte de dieu ? Cuyde tu ces oultraiges estre recellees es espritz eternelz/ et au Dieu souverain, qui est juste retributeur de nos entreprinses? Si le cuyde, tu te trompe, car toutes choses viendront a son jugement. Sont ce fatales destinees, ou influences des astres qui voulent mettre fin a tes ayzes et repous? Ainsi ont toutes choses leur fin et periode. Et quand elles sont venues a leur poinct supellatif, elles sont en bas ruinees, car elles ne peuvent long temps en tel estat demourer: C’est la fin de ceulx qui leurs fortunes et prosperitez ne peuvent par
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raison et temperance moderer. Mais si ainsi estoit phee, et deust ores ton heur et repos prendre fin, failloit il que ce feust en incommodant a mon roy: celluy par lequel tu estoys estably? Si ta maison debvoit ruiner, failloit il qu’en sa ruyne elle tombast suz les atres de celluy qui l’avoyt aornee? La chose est tant hors les mettes de raison, tant abhorrente de sens commun/ que a pene peut elle estre par humain entendement conceue: et tant demourera non creable entre les estrangiers, jusques a ce que l’effect asseure et tesmoigne leur donne a entendre, que rien n’est ny sainct, ny sacre a ceulx qui se sont emancipez de dieu et raison, pour suyvre leurs affections perverses. Si quelque tort eust este par nous faict en tes subjectz/ et dommaines, si par nous eust este porte faveur a tes mal vouluz, si en tes affaires ne te eussions secouru, si par nous ton nom et honneur eut este blesse: Ou pour mieulx dyre, si l’esperit calumniateur tentant a mal te tyrer eust par fallaces especes/ et phantasmes ludificatoyres mys en ton entendement, que envers toy eussions faict chose non digne de nostre ancienne amytie, Tu debvoys premier te enquerir de la verite, puis nous en admonnester. Et nous eussions tant a ton gre satisfaict, que eusse eu occasion de toy contenter.
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Mais (o dieu eternel) quelle est ton entreprinse? Vouldroys tu comme tyrant perfide piller ainsi/ et dissiper le royaulme de mon maistre? Le as tu esprouve tant ignave/ et stupide, qu’il ne voulust: ou tant destitue de gens/ d’argent / de conseil/ et d’art militare, qu’il ne peust resister a tes iniques assaulx? Depars d’icy presentement, et demain pour tout le jour soye retyre en tes terres, sans par le chemin faire aulcun tumulte ny force. Et paye mille bezans d’or pour les dommaiges que tu as faict en ces terres. La moytie bailleras demain, l’aultre moytie payeras es Ides de May prochainement venant: nous delaissant ce pendent pour houstaige les Ducs de Tournemoule / de Basdefesses / et de Menuail, ensemble le prince de Gratelles / et le viconte de Morpiaille.

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