Panurge apres qu’il a longuement voyage, il faict icy ugne declaration de la source des ventz, et comme il sont enfermez quelques foys aux cavernes et les noms d’iceulx. Chapitre. XXXI.

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Or pour nous retirer de tant de perilz et adversitez en quoy nous avions este pensant fouyr tous dangiers, Je fist lever l’ancre de nostre navire, et fist dresser les velles a plain vent pour plus faire de chemin par la mer, en laquelle chose faisant apres avoir navige environ cent lieues.

Nous veismes les Isles Eolides desquelles Eolus est seigneur et maistre, et le repute l’on pour dieu a cause qu’il tient illec les douze ventz principaulx enfermez en diverses cavernes soubz haultz rochers en des cages, Lesquelz ventz ont leur regard es quatre diverses parties du monde, et ont divers soufflementz et bouffementz, contraires les ungs aux autres. Et d’iceluy Eolus et d’iceulx ventz parle Aristote,

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Pline, Bocace, et Fulgence.

Car de la partie orientalle souffle Subselanus, Vulturius, et Surus. De la partie du midy souffle Notus, Affricus, et Auster. A cause duquel est nommee la region Australe.

De devers Septentrion souffle Chorus, Boreas, et Aquillon.

Et de l’occident souffle Libaurtus, Libs, et Craseas, Eparcitias, Mises, Phenicus avec le merveilleux Tiphon qui arrache et rompt arbres, pars, forestz, Et la aussi est le furieux Enephius qui brusle et ard villes, citez, et maisons par ou il passe.

Et n’estoit que ledict Eolus qui est le Dieu des ventz les garde de sortir ilz gasteroient tout par la ou ilz passeroient.

Toutesfoys il a ung grand et gros levier de boys plain de neuds, et d’estocz, et croy que c’est la massue D’hercules, de laquelle il frape et rue sur iceulx ventz pour les garder de sortir le plus qui peult.

Ce nonobstant aulcune foys ce pendant qu’il entend aux ungs les aultres sortent et courent sur la terre et sus la mer, de sorte qui la font bruyre et escumer si hault que c’est une chose horrible et espoventable a veoir et a ouyr, comme

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j’ay veu et ouy aultre foys au partuis D’autruche et de maumusson esquelz lieux la mer se bat l’une contre l’autre, de sorte que on l’ouyt de plus de dix lieues loing.

Iceulx rochers et cavernes es quelles sont detenus iceulx ventz ont plus de dix grandes lieues de hault, et sont toutes creuses et pleines de cavernes par dessoubz.

Ilz font la dedans ung bruyt et ung tonnerre si grand et si merveilleux qu’il n’y a homme tant soit hardy qui ne tremble a les ouyr.

A ceste cause feiz mettre mon navire de sorte que nous eusmes le vent en poupe, au moyen de quoy nous fusmes incontinent eslongnes desdictes Eolides, et en peu de temps nous arrivasmes moyennant l’ayde de dieu a port de Salut au Havre de Grace la ou nous sommes deliberez de faire nostre Festin et banquet.

Si vous plaist de vous y trouver nous vous donnerons des fruictz et des aultres choses nouvelles que nous avons aportez, et vous en conterons plus a plain, et des plus fines dont nous nous pourrons adviser, Affin que en puissies faire vostre proffit, et pour la recompense de vous Benivolles Lecteurs et auditeurs.

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Comme apres que Panurge eust fine ces voyages/ et fut de repoz en sa maison il institua telle maniere de vivre pour toute la sepmaine a ces gens/ et selon la viande le jour.

Au Lundi poix au lart.
Au Mardi canes et canartz.
Au merquedi pastes de loches
Au jeudi chapons en broches
Au Vendredi poissons de mer.
Au Samedi tard a diner.
Et au Dimenche boyrons tous ensemble.

Et fist ce compaignon d’icy derriere Maistre d’hostel de sa cuysine.

Fin des navigations de Panurge.
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