Comment en l'ouvrage mosayque du temple estoit representee la bataille que Bacchus gagna contre les indians. CHAP. XXXVIII.

Au commencement estoient en figure, diverses villes, villages, chasteaux, forteresses, champs et forests, toutes ardentes en feu. En figure aussi estoient femmes diverses forcenees et dissolues, lesquelles mettoit furieusement en pieces, veaux, moutons, et brebis toutes vives, et de leur chair se paissoient. Là nous estoit signifié comme Bacchus entrant en Indie, mettoit tout à feu et à sang.

Ce nonobstant, tant fut des Indians desprisé, qu'ils ne daignerent luy aller encontre: ayans advertissement certain par leurs espions, qu'en son ost n'estoient gens aucuns de guerre, mais seulement un petit bon-homme vieux effeminé, et tousjours

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yvre, accompagné de jeunes gens agrestes, tous nuds, tousjours dansans et sautans, ayans queuës et cornes, comme ont les jeunes chevreaux, et grand nombre de femmes yvres. Dont se resolurent les laisser outre passer, sans y resister par armes: comme si à honte, non à gloire, deshonneur et ignominie leurs revint, non à honneur et prouesse, avoir de telles gens victoire. En cestuy despris Bacchus tousjours gagnoit païs, et metoient tout à feu: pour ce que feu et foudre sont de Bacchus les armes paternelles: et avant naistre au monde, fut par Jupiter salvé de foudre: sa mere Semele et sa maison maternelle arse et destruite par feu et sang pareillement car, naturellement il en faict au temps de paix, et en tire au temps de guerre. En tesmoignage sont les champs en l' Isle de Samos dits Paneca : c'est à dire tout sanglant, auquel Bacchus les Amazones acconçeut, fuyantes de la contree des Ephesians: et les mist toutes à mort par phlebotomie, de mode que ledit champs estoit de sang tout embeu et couvert. Dont pourrez doresnavant entendre, mieux que n'a descrit Aristoteles, en ses problemes, pourquoy jadis on disoit en proverbe commun, en temps de guerre ne mange, et ne plante manthe: la raison
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est, car en temps de guerre sont ordinairement departis coups sans respect, donques l'homme blessé s'il a celuy jour manié, ou mangé manthe impossible est, ou bien difficile, luy restreindre le sang. Consequemment estoit en la susdite emblemature, figuré, comment Bacchus marchoit en bataille, et estoit sur un char magnifique, tiré par trois coubles de jeunes pards, joints ensemble: sa face estoit comme d'un jeune enfant, pour enseignement que tous bons beuveurs jamais n'envieillissent, rouge comme un cherubin, sans un poil de barbe au manton: en teste portoit cornes aigues, au dessus d'icelles une belle couronne faicte de pampre et de raisins, avec une mitre rouge cramoisine, et estoit chaussé de brodequins dorez.

En sa compagnie n'estoit un seul homme, toute sa garde: et toutes ses forces estoient de Bassarides, Evantes, Euhyades, Edonides, Trietherides, Ogygies, Mimallones, Menades, Thyades et Bacchides, femmes forcenees, furieuses, enragees, ceinctes de dragons et serpens vifs, en lieu de ceinctures: les cheveux voletans en l'air, avecques frontaux de vignes: vestues de peaux de Cerfs et de Chevres: portans en main petites haches, tyrses, rancons et hallebardes

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en forme de noix de pin: et certains petits boucliers legers, sonnans et bruyans quant on y touchoit, tant peu feust, desquels elles usoient, quant besoin estoit, comme de tabourins et de tymbons. Le nombre d'icelles estoit septante et neuf mille deux cens vingt sept. L'avantgarde estoit menee par Silenus, homme auquel il avoit sa fiance totalle, et duquel par le passé avoit, la vertu et magnanimité de courage et prudence en divers endroits congneu. C'estoit un petit vieillard tremblant, courbé, gras ventru à plain basts, et les aureilles avoit grandes et droictes, le nez pointu et aquilin, et les sourcilles rudes et grandes: estoit monté sus un Asne couillard, en son poing tenoit pour soy appuyer un baston, pour aussi gallentement combatre, si par cas convenoit descendre en pieds: et estoit vestu d'une robbe jaulne, à usage de femme. Sa compagnie estoit de jeunes gens champestres, cornus comme chevreaux, et cruels comme Lions, tous nuds, tousjours chantans et dansans les cordaces: on les appelloit Tityres et Satyres. Le nombre estoit octante cinq mille six vingts et treize.

Pan menoit l'arrieregarde, homme horifique et monstrueux. Car par les parties inferieures du corps, il ressembloit à un

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Bouc, les cuisses avoit velues, portoit cornes en teste droictes contre le Ciel: Le visage avoit rouge et emflambé, et la barbe bien fort longue: homme hardy, courageux, hazardeux et facile à entrer en courroux: en main senestre portoit une fluste, en dextre un baston courbé, ses bandes estoient semblablement composees de Satyres, Hemipans, Argipans, Sylvains, Faunes, Lemures, Lares, Farfadets et Lutins, en nombre de soixante et dixhuit mille cens et quatorze. Le signe commun à tous estoit ce mot, Evohe.

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