¶Pourquoy les Moynes sont refuyz du monde/ et pourquoy les uns ont le nez plus grand que les aultres. Chap. xxxviii.

Foy de christian (dist Eudemon) je entre en grande resverie considerant l’honnestete de ce moyne. Car il nous esbaudist icy tous. Et comment doncques est, qu’on rechasse les moynes de toutes bonnes compaignies?

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les appellans Troublefestes, comme abeilles chassent les freslons d’entour leurs rousches. Ignavum fucos pecus (dict Maro) a presepibus arcent. A quoy respondit Gargantua. Il n’y a rien si vray que le froc, et la cagoule tire a soy les opprobres/ injures/ et maledictions du monde, tout ainsi comme le vent dict Cecias attire les nues. La raison peremptoyre est: par ce qu’ilz mangent la merde du monde, c’est a dire, les pechez. Et comme machemerdes l’on les rejecte en leurs retraictz: ce sont leurs conventz et abbayes. separez de conversation politicque, comme sont les retraictz d’une maison. Mays si entendez pourquoy un cinge en une famille est tousjours mocque et hersele: vous entendrez pourquoy les moynes sont de tous refuyz, et des vieulx et des jeunes. Le cinge ne guarde poinct la maison, comme un chien: il ne tire pas l’aroy, comme le beuf, il ne produict ny laict/ ny laine, comme la brebis: il ne porte pas le faiz, comme le cheval. Ce qu’il faict est tout conchier et degaster, qui est la cause pourquoy de tous repceoyt mocqueries et bastonnades. Semblablement un moyne (j’entends de ces ocieux moynes) ne laboure, comme le paisant: ne garde le pays, comme l’homme de guerre: ne guerit les malades, comme le medicin: ne presche ny endoctrine le monde,
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comme le bon docteur evangelicque et pedagoge: ne porte les commoditez et choses necessaires a la republicque, comme le marchant. Ce est la cause pourquoy de tous sont huez/ et abhorrys. Voyre mais (dist Grandgouzier) ilz prient dieu pour nous. Rien moins (respondit Gargantua.) Vray est qu’ilz molestent tout leur voisinage a force de trinqueballer leurs cloches. (Voyre dist le Moyne, une messe/ une matines/ une vespres bien sonneez, sont a demy dictes,) Ilz marmonnent grand renfort de legendes et pseaulmes nullement par eulx entenduz. Ilz content force patenostres entrelardees de longs Avemariaz, sans y penser ny entendre. Et ce je appelle mocquedieu non oraison. Mais ainsi leurs ayde dieu s’ilz prient pour nous, et non par peur de perdre leurs miches et souppes graces. Tous vrays Christians / de tous estatz en tous lieux en tous temps prient dieu, et l’esperit prie et interpelle pour iceulx: et dieu les prent en grace. Maintenant tel n’est nostre bon frere Jean. Pourtant chascun le soubhayte en sa compaignie. Il n’est poinct bigot/ il n’est point dessire/ il est honeste/ joyeux/ delibere/ bon compaignon. Il travaille/ il labeure/ il defend les opprimez/ il conforte les affligez/ il subvient es souffreteux/ il garde le clous de l’abbaye. Je foys (dist le moyne) bien
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dadventaige. Car en despeschant noz matines et anniversaires on cueur, ensemble je fois des chordes d’arbaleste: je polys des matraz et guarrotz, je foys des retz et des poches a prendre les connins. Jamais je ne suis oisif. Mais orcza a boyre/ boyre/ cza. Aporte le fruict Ce sont chastaignes du boys D’estrocz. Avecques bon vin nouveau, voy vous la composeur de petz. Vous n’estiez encores ceans amoustillez? Par dieu je boy a tous guez, comme un cheval de promoteur. Gymnaste luy dist. Frere Jean houstez ceste rouppie que vous pend au nez. Ha ha (dist le Moyne) seroys je en dangier de noyer? veu que suis en l’eau jusques au nez. Non/ non Quare? Quia elle en sort bien, mais poinct n’y entre. Car il est bien antidote de pampre. O mon amy, qui auroit bottes d’hyver de tel cuyr: hardiment pourroit il pescher aux huytres. Car jamais ne prendroient eau. Pourquoy (dist Gargantua) est ce que frere Jean a si beau nez? Par ce (respondit Grandgouzier) que ainsi dieu l’a voulu. lequel nous faict en telle forme et telle fin scelon son divin arbitre, que faict un potier ses vaisseaulx. Par ce (dist Ponocrates) qu’il feut des premiers a la foyre des nez. Il print des plus beaulx et plus grands. Trut avant (dist le Moyne) scelon vraye Philosophie monasticque c’est par ce que ma
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nourrice avoit les tetins moletz, en la laictant mon nez y enfondroit comme en beurre, et la seslevoits’eslevoit et croissoit comme la paste dedans la met. Les durs tetins des nourrices font les enfans camuz. Mais guay/ guay/ ad formam nasi cognoscitur ad te levavi. Je ne mange jamais de confictures. Page a la humerie. Item rousties.

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