De troys isles ou croissent les mytaines, les mouffles, et les botynes, et les noms des Capitaines desdictes Isles. Chapitre. XXV.

En icelles isles en montant en mont contre bas, il y a troys aultres isles, en l’une habitent les mitaines, en l’aultre les mouffles, et en l’aultre

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les boutines.

Elles ont chascunes son Capitaine et Duc pour les conduire et mener en bataille.

Celluy des mytaines se nomme Mitouart Celluy des mouffles, se nomme Moufflart Et celluy des botynes se faict appeller Boytart Ilz sont fort crains et obeys chascun en son pays.

Entre icelles Mouffles je congneu par dela la Mouffle a fagotter du bon homme Hannot qui faisoit les fagotz d’espine en son temps pour chaufer le four en nostre quartier.

Et la cause pour la quelle je la recongneu fut pource que je l’avoye maintesfoys veue en ma jeunesse, et pource aussi qu’elle estoit de cuir de cerf, et estoit longue jusques au coulde, des qu’elle me veit elle me vint acoler et ambrasser, la larme aux yeulx, pource qu’il luy souvint de son maistre, lequel elle avoit long temps servy.

Elle me conta comment elle s’estoit retiree par de la avec ses parens, apres que son maistre fut alle de vie a trespas, Elle me pria fort d’aller boyre de son vin en son logis, dont je la remerciay.

Elle ne voulut point habandonner ma compaignie de peur de la perdre.

Il y avoit merveilleuse controverse entre elles pour scavoir laquelle nation des troys debvoit preferer, Au moyen de quoy nous estans par

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de la fut crie ban et arriere ban, et la guerre ouverte a feu et a sang, tellement que nous les vismes en champ de bataille avec leurs capitaines. Mytouart Moufflart Boytart se prendre aux cheveulx et aux aureilles pource qu’ilz ne usent point de ferrementz ny de bastons, toutesfoys il y eut du sang respendu tant d’ung couste que d’aultre, si largement que les fleuves en estoient aussi rouges que la belle eaue claire d’une fontaine, et n’eust este que moy et mes gens nous mismes a tout noz halebardes entre les troys armees, qui les separasmes ce eust este pitie de l’occision qui y eust este, mais nous les fismes retirer chascun en son quartier, dond ilz nous sceurent bon gre en nous faisant a tous la moue.

Et pource que nous avions laisse de noz gens pour garder nostre navire, nous amplismes plusieurs flaccons, barilz, ferrieres, et boutailles d’icelluy vin pour leur porter avec force craquelins, oublies, gasteaulx, eschauldes, et fromaiges, dont ilz se amplirent si fort qu’ilz s’en yvrerent et dormirent plus d’ung moys sans reveiller, par quoy nous fusmes contrainctz de leur bouter le feu au cul, car nous avions peur qu’ilz ne mourussent en letargie sans jamais reveiller.

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Nous passames d’ung fleuve a l’aultre en des basteaulx que nous fismes de moytie de cosses de febves, car elles y croissent si grandes que nous estions bien trente a passer en la moytie d’une.

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