Excuse de Panurge, et exposition de Caballe monasticque en matiere de beuf sallé. Chapitre XV.
Dieu (dist Panurge) guard de mal qui void bien et n’oyt goutte. Je vous voy tresbien, mais je ne vous oy poinct. Et ne sçay que dictez. Le ventre affamé n’a poinct d’aureilles. Je brame par Dieu de male rage de faim. J’ay faict courvée trop extraordinaire. Il fera plus que maistre mousche, qui de cestuy an me fera estre de songeailles. Ne souper poinct de par le Diable? Cancre. Allons frere
Je te entends (respondit frere Jan). Ceste metaphore est extraicte de la marmite claustrale. Le laboureur, c’est le beuf, qui laboure ou a labouré: a neuf leçons, c’est
A ceste heure (dist Panurge) te ay je entendu couillon velouté, couillon claustral et Cabalicque. Il me y va du propre cabal. Le sort, l’usure, et les interestz je pardonne. Je me contente des despens: puys que tant disertement nous as faict repetition sus le chapitre singulier de la Caballe culinaire et monasticque. Allons Carpalim. Frere Jan mon baudrier allons. Bon jour tous mes bons seigneurs. J’avoys assez songé pour boyre. Allons.
Panurge n’avoit ce mot achevé, quand Epistemon a haulte voix s’escria, disant. Chose bien commune et vulgaire entre les humains est, le malheur d’aultruy entendre, praevoir, congnoistre, et praedire. Mais ô que chose rare est son malheur propre praedire, congnoistre, praevoir, et
chascun homme en ce monde naissant une bezace au coul porter: on sachet de laquelle davant pendent sont les faultes et malheurs d’aultruy tousjours exposées a nostre veue et congnoissance: on sachet darriere pendent sont les faultes et malheurs propres: et jamais ne sont veues ne entendues, fors de ceulx qui des cieulx ont le benevole aspect.