Comment Pantagruel faict assemblée d’un Theologien, d’un medicin, d’un Legiste, et d’un Philosophe, pour la perplexité de Panurge. Chapitre XXIX.

Arrivez au palais, compterent a Pantagruel le discours de leur voyage, et luy monstrerent le dicté de Raminagrobis. Pantagruel, l’avoir leu et releu, dist. Encores n’ay je veu response, que plus me plaise. Il veult dire sommairement, qu’en l’entreprinse de mariage chascun doibt estre arbitre de ses propres pensées, et de soy mesmes conseil prendre. Telle a tousjours esté mon opinion: et autant vous en diz la premiere foys que m’en parlastez. Mais vous en mocquiez tacitement, il m’en soubvient, et congnois que Philautie et amour de soy, vous deçoit. Faisons aultrement. Voicy quoy. Tout ce que

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sommes et qu’avons, consiste en trois choses, En l’ame, on corps, es biens. A la conservation de chascun des trois respectivement sont au jourdhuy destinées troys manieres de gens. Les Theologiens a l’ame, les Medicins au corps, les Jurisconsultes aux biens. Je suys d’advis que dimanche nous ayons icy a dipner un Theologien, un Medicin, et un Jurisconsulte. Avecques eulx ensemble nous confererons de vostre perplexité. Par sainct Picault (respondit Panurge) nous ne ferons rien qui vaille, je le voy desja bien. Et voyez comment le monde est vistempenardé. Nous baillons en guarde nos ames aux Theologiens, les quelz pour la plus part sont haereticques: Nos corps es medicins, qui tous abhorrent les medicamens, jamais ne prennent medicine: Et nos biens es Advocatz, qui n’ont jamais procés ensemble. Vous parlez en Courtisan (dist Pantagruel.) Mais le premier poinct je nie, voyant l’occupation principale, voyre unicque et totale des bons Theologiens estre emploictée par faictz, par dictz, par escriptz, a extirper les erreurs et haeresies, (tant s’en fault qu’ilz en soient entachez) et planter profundement
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es cueurs humains la vraye et vive foy catholicque. Le second je loue, voyant les bons Medicins donner tel ordre a la partie prophylactice et conservatrice de santé en leur endroict, qu’ilz n’ont besoing de la therapeutice et curative par medicamens. Le tiers je concede, voyant les bons advocatz tant distraictz en leurs patrocinations et responses du droict d’aultruy, qu’ilz n’ont temps ne loisir d’entendre a leur propre. Pourtant dimanche prochain ayons pour Theologien nostre pere Hippothadée : pour medicin, nostre maistre Rondibilis : pour Legiste, nostre amy Bridoye. Encores suys je d’advis que nous entrons en la tetrade Pythagoricque, et pour soubrequart ayons nostre feal le Philosophe Trouillogan, attendu mesmement que le Philosophe perfaict, et tel qu’est Trouillogan, respond assertivement de tous doubtes proposez. Carpalim donnez ordre que les ayons tous quatre dimanche prochain a dipner.

Je croy (dist Epistemon) qu’en toute la patrie vous ne eussiez mieulx choisy. Je ne diz seulement touchant les perfections d’un chascun en son estat, les quelles sont

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hors tout dez de jugement: mais d’abondant en ce que Rondibilis marié est, ne l’avoit esté: Hippothadée oncques ne le feut, et ne l’est: Bridoye l’a esté, et ne l’est: Trouillogan l’est, et l’a esté. Je releveray Carpalim d’une peine. Je iray inviter Bridoye, (si bon vous semble) lequel est de mon antique congnoissance: et au quel j’ay a parler pour le bien et advencement d’un sien honeste et docte filz, lequel estudie a Tholose soubs l’auditoire du tresdocte et vertueux Boissonné. Faictez (dist Pantagruel) comme bon vous semblera. Et advisez si je peuz rien pour l’advencement du filz, et dignité du seigneur Boissonné, lequel je ayme et revere comme l’un des plus suffisans qui soit huy en son estat. Je me y emploiray de bien bon coeur.

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