Comment Hippothadée Theologien donne conseil a Panurge sus l’entreprinse de mariage. Chapitre XXX.

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Le dipner au dimanche subsequent ne feut si tost prest, comme les invitez comparurent, excepté Bridoye lieutenant de FonsbetonBridoye lieutenant de FonsbetonFonsbeton. Sus l’apport de la seconde table Panurge en parfonde reverence dist. Messieurs, il n’est question que d’un mot. Me doibs je marier, ou non? Si par vous n’est mon doubte dissolu, je le tiens pour insoluble comme sont Insolubilia de Alliaco. Car vous estes tous esleuz, choisiz, et triez chascun respectivement en son estat, comme beaulx Pois sus le volet.

Le pere Hippothadée a la semonce de Pantagruel, et reverence de tous les assistans respondit en modestie incroyable. Mon amy vous nous demandez conseil, mais premier fault que vous mesmes vous conseillez. Sentez vous importunement en vostre corps les aiguillons de la chair? Bien fort, (respondit Panurge) ne vous desplaise nostre pere. Non faict il (dist Hippothadée) mon amy. Mais en cestuy estrif avez vous de Dieu le don et grace speciale de continence? Ma foy non, respondit Panurge. Mariez vous donc mon amy, dist Hippothadée. Car trop meil

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leur est soy marier, que ardre on feu de concupiscence. C’est parlé cela (s’escria Panurge) gualantement, sans circumbilivaginer au tour du pot. Grand mercy monsieur nostre pere. Je me mariray sans poinct de faulte et bien tost. Je vous convie a mes nopces. Corpe de galline nous ferons chere lie. Vous aurez de ma livrée, et si mangerons de l’oye, corbeuf que ma femme ne roustira poinct. Encores vous priray je mener la premiere dance des pucelles, s’il vous plaist me faire tant de bien et d’honneur, pour la pareille. Reste un petit scrupule a rompre. Petit diz je, moins que rien. Seray je poinct coqu? Nenny dea mon amy (respondit Hippothadée) si Dieu plaist. O la vertus de Dieu (s’escria Panurge) nous soit en ayde. Ou me renvoyez vous bonnes gens? Aux conditionales, les quelles en Dialectique reçoivent toutes contradictions et impossibilitez. Si mon mulet Transalpin voloit, mon mulet Transalpin auroit aesles. Si Dieu plaist, je ne seray poinct coqu: je seray coqu, si Dieu plaist. Dea, si feust condition a laquelle je peusse obvier, je ne me desespererois du tout.
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Mais vous me remettez au conseil privé de Dieu : en la chambre de ses menuz plaisirs. Ou prenez vous le chemin pour y aller, vous aultres François? Monsieur nostre pere, je croy que vostre mieulx sera ne venir pas a mes nopces. Le bruyt et la triballe des gens de nopces vous romperoient tout le testament. Vous aymez repous, silence, et solitude. Vous n’y viendrez pas, ce croy je. Et puys vous dansez assez mal, et seriez honteux menant le premier bal. Je vous envoiray du rillé en vostre chambre, de la livrée nuptiale aussy. Vous boirez a nous s’il vous plaist.

Mon amy (dist Hippothadée) prenez bien mes parolles, je vous en prie. Quand je vous diz, s’il plaist a Dieu, vous fays je tord? Est ce mal parlé? Est ce condition blaspheme ou scandaleuse? N’est ce honorer le seigneur, createur, protecteur, servateur? N’est ce le recongnoistre unicque dateur de tout bien? N’est ce nous declairer tous dependre de sa benignité? Rien sans luy n’estre, rien ne valoir, rien ne povoir: si sa saincte grace n’est sus nous infuse? N’est ce mettre exception canonicque a toutes nos entreprinses? et tout ce

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que proposons remettre a ce que sera disposé par sa saincte volunté, tant es cieulx comme en la terre? N’est ce veritablement sanctifier son benoist nom? Mon amy, vous ne serez poinct coqu, si Dieu plaist. Pour sçavoir sur ce quel est son plaisir, ne fault entrer en desespoir, comme de chose absconse, et pour laquelle entendre, fauldroit consulter son conseil privé, et voyager en la chambre de ses tressainctz plaisirs. Le bon Dieu nous a faict ce bien, qu’ilz nous les a revelez, annoncez, declairez, et apertement descriptz par les sacres bibles. La vous trouverez que jamais ne serez coqu, c’est a dire que jamais vostre femme ne sera ribaulde, si la prenez issue de gens de bien, instruicte en vertus et honesteté, non ayant hanté ne frequenté compaignie que de bonnes meurs, aymant et craignant Dieu, aymant complaire a Dieu par foy et observation de ses sainctz commandemens: craignant l’offenser et perdre sa grace par default de foy et transgression de sa divine loy, en laquelle est rigoreusement defendu adultere, et commendé adhaerer unicquement a son mary, le cherir, le servir, totalement
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l’aymer apres Dieu. Pour renfort de ceste discipline vous de vostre cousté l’entretiendrez en amitié conjugale, continuerez en preud’homie, luy monstrerez bon exemple, vivrez pudicquement, chastement, vertueusement en vostre mesnaige, comme voulez qu’elle de son cousté vive. Car comme le mirouoir est dict bon et perfaict, non celluy qui plus est orné de dorures et pierreries, mais celluy qui veritablement repraesente les formes objectes: aussi celle femme n’est la plus a estimer, laquelle seroit riche, belle, elegante, extraicte de noble race: mais celle qui plus s’efforce avecques Dieu soy former en bonne grace, et conformer aux meurs de son mary. Voyez comment la Lune ne prent lumiere ne de Mercure, ne de Juppiter, ne de Mars, ne d’aultre planette ou estoille qui soyt on ciel. Elle n’en reçoit que du Soleil son mary, et de luy n’en reçoit poinct plus qu’il luy en donne par son infusion et aspectz. Ainsi serez vous a vostre femme en patron et exemplaire de vertus et honesteté. Et continuement implorerez la grace de Dieu a vostre protection. Vous voulez doncques (dist Panurge
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fillant les moustaches de sa barbe) que j’espouse la femme forte descripte par Solomon. Elle est morte sans poinct de faulte. Je ne la veid oncques, que je saiche, Dieu me le veuille pardonner. Grand mercy toutesfoys mon pere. Mangez ce taillon de massepain. Il vous aydera a faire digestion. puys boirez une couppe de Hippocras clairet. il est salubre et stomachal. Suyvons.

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