Pourquoy les Moynes sont refuyz du monde, et pourquoy les ungs ont le nez plus grand que les aultres. Chapitre. xxxx.

Foy de christian (dist Eudemon) je entre en grande resverie considerant l'honnestete de ce moyne. Car il nous esbaudist icy tous. Et comment doncques est ce qu'on rechasse les moynes de toutes bonnes compaignies? les appellans Trouble feste, comme abeilles

Page Fu.111.
chassent les freslons d'entour leurs rousches. Ignavum fucos pecus (dist Maro) a presepibus arcent . A quoy respondit Gargantua. Il n'y a rien si vray que le froc, et la cogule tire a soy les opprobres, injures et maledictions du monde, tout ainsi comme le vent dict Cecias attire les nues. La raison peremptoire est: par ce qu'ilz mangent la merde du monde, c'est a dire les pechez, et comme machemerdes l'on les rejecte en leurs retraictz: ce sont leurs conventz et abbayes, separez de conversation politicque comme sont les retraictz d'une maison. Mais si entendez pourquoy un cinge en une famille est tousjours mocque et hersele: vous entendrez pourquoy les moynes sont de tous refuys, et des vieux et des jeunes. Le cinge ne guarde poinct la maison, comme un chien il ne tire pas l'aroy, comme le beuf, il ne produict ny laict, ny layne, comme la brebis: il ne porte pas le faiz comme le cheval.

Ce qu'il faict est tout conchier et degaster,

Page [111v]
qui est la cause pourquoy de tous repceoyt mocqueries et bastonnades.

Semblablement un moyne (j'entends de ces ocieux moynes) ne laboure, comme le paisant: ne garde le pays, comme l'homme de guerre: ne guerist les malades, comme le medicin: ne presche ny endoctrine le monde, comme le bon docteur evangelicque et pedagoge: ne porte les commoditez et choses necessaires a la republicque, comme le marchant. Ce est la cause pourquoy de tous sont huez et abhorrys. Voyre mais (dist Grandgousier) ilz prient dieu pour nous. Rien moins (respondit Gargantua) Vray est qu'ilz molestent tout leur voisinage a force de trinqueballer leurs cloches.

(Voyre dist le Moyne, une messe, unes matines, unes vespres bien sonneez, sont a demy dictes,) Ilz marmonnent grand renfort de legendes et pseaulmes nullement par eulx entenduz. Ilz content force patenostres entrelardees de longs Ave mariaz, sans y penser ny

Page Fu.112.
entendre. Et ce je appelle mocquedieu non oraison. Mais ainsi leurs ayde dieu s'ilz prient pour nous, et non par paour de perdre leurs miches et souppes grasses. Tous vrays Christians de tous estatz, en tous lieux, en tous temps prient dieu, et l'esperit prie et interpelle pour iceulx: et dieu les prent en grace Maintenant tel est nostre bon frere Jean. Pourtant chascun le soubhaite en sa compaignie.

Il n'est poinct bigot, il n'est poinct dessire, il est honeste, joyeux, delibere, bon compaignon

Il travaille, il labeure, il defent les opprimez, il conforte les affligez, il subvient es souffreteux, il garde les clous de l'abbaye. Je foys (dist le moyne) bien dadvantaige. Car en despeschant nos matines et anniversaires on cueur, ensemble je fois des chordes d'arbaleste, je polys des matraz et guarrotz, je foys des retz et des poches a prendre les connis. Jamais je ne suis oisif. Mais or cza a boyre, a boyre, cza. Aporte

Page [112v]
le fruict. Ce sont chastaignes du boys D'estrocz. Avec bon vin nouveau, voy vous la composeur de petz. Vous n'estez encores ceans amoustillez? Par dieu je boy a tous guez, comme un cheval de promoteur. Gymnaste luy dist. Frere Jean oustez ceste rouppie que vous pend au nez. Ha, ha, (dist le Moyne) serois je en dangier de noyer? veu que suis en l'eau jusques au nez. Non, non. Quare Qui a elle en sort bien, mais poinct n'y entre. Car il est bien antidote de pampre.

O mon amy, qui auroit bottes d'hyver de tel cuir: hardiment pourroit il pescher aux huytres. Car jamais ne prendroient eau. Pourquoy (dist Gargantua) est ce, que frere Jean a si beau nez. Par ce (respondit Grandgousier) que ainsi dieu l'a voulu, lequel nous faict en telle forme et telle fin selon son divin arbitre, que faict un potier ses vaisseaulx. Par ce (dist Ponocrates) qu'il feut de premieres a la foyre des nez. Il print des plus beaulx et plus

Page Fu.113.
grands. Trut avant (dist le moyne) selon vraye Philosophe monasticque c'est par ce que ma nourrice avoit les tetins moletz, en la laictant mon nez y enfondroit comme en beurre, et la s'eslevoit et croissoit comme la paste dedans la met.

Les durs tetins de nourrices font les enfans camuz. Mais guay, guay, ad formam nasi cognoscitur ad te levavi. Je ne mange jamais de confitures. Page a la humerie. Item rousties.

Real    Hypothetical    Fictional    Mythical   
Region, area    Town, village    Building    Water (lakes, rivers, etc.)    mountains, islands, ...    Other