¶Comment Gargantua laissa la ville de Paris pour secourir son pays et comment Gymnaste rencontra les ennemis. Chap. xxxii.

En ceste mesme heure Gargantua qui estoit yssu de Paris soubdain les lettres de son pere leues: sus sa grand jument s’en venant avoit ja passe le pont de la nonnain, luy Ponocrates, Gymnaste et Eudemon, lesquelz pour le suyvre avoient prins chevaulx de poste, le reste de son train, venoit a justes journees, amenent tous ses livres et instrument philosophique. Luy arrive a Parille, feut adverty par le mestayer de Gouguet, comment Picrochole s’estoit rampare a la Rocheclermaud,

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et avoit envoye le capitaine Tripet, avec grosse armee, assaillir le boys de Vedeboys de VedeVede, et Vaugaudry, et qu’ilz avoient couru la poulle, jusques au pressouer Billard, et que c’estoit chose estrange et difficile a croyre des exces qu’ilz faisoient par le pays. Tant qu’il luy feist peur, et ne scavoit pas bien que dire ny que faire. Mais Ponocrates luy conseilla qu’ilz se transportassent vers le seigneur de la Vauguyon, qui de tous temps avoit este leur amy et confedere, et par luy seroient mieulx advisez de tous affaires, ce qu’ilz feirent incontinent, et le trouverent enbone deliberation de leur secourir et feut de opinion qu’il envoyroit quelq’un de ses gens pour descouvrir le pays et scavoir en quel estat estoient les ennemys, affin de y proceder par conseil prins selon la forme de l’heure presente. Gymnaste se offrit d’y aller, mais il feut conclud, que pour le meilleur il menast avecques soy quelq ’un qui congnoistroit les voyes et destorses, et les rivieres de l’entour. Adoncques partirent luy et Prelinguand escuyer de VauguyonPrelinguand escuyer de VauguyonVauguyon, et sans effroy espierent de tous coustes. Ce pendent Gargantua se refraischit, et repeut quelque peu avecques ses gens, et feist donner a sa Jument ung picotin d’avoyne, c’estoient soixante et quatorze muys. Gymnaste et son compaignon tant chevaucherent qu’ilz rencontrerent les ennemys
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tous espars et mal en ordre, pillans et desrobans tout ce qu’ilz povoient: et de tant loing qu’ilz l’aperceurent accoururent sus luy a la foulle pour le destrousser: adonc il leur cria, messieurs je suys pauvre diable, je vous requiers qu’ayez de moy mercy. J’ay encoures quelque teston, nous le boyrons, et ce cheval icy sera vendu pour payer ma bien venue: cela faict retenez moy des vostres, car jamais homme ne sceut mieulx prendre larder, roustir, et aprester, voyre par dieu demembrer, et gourmender poulle que moy qui suys icy, et pour mon proficiat je boy a tous bons compaignons. Lors descouvrit sa ferriere, et sans mettre le nez dedans, beuvoit assez honestement. Les marroufles le regardoient ouvrans la gueule d’ung grand pied, et tirans les langues comme levriers en attente de boyre apres: mais Tripet le capitaine sus ce poinct accourut veoir que c’estoit. Adoncq Gymnaste luy offrit sa bouteille, disant. Tenez capitaine, beuvez en hardiment/ j’en ay faict l’essay, c’est vin de la Faye monjau. Quoy, dist Tripet, ce gautier icy se guabele de nous. Qui es tu? Je suis (dist Gymnaste) pauvre diable. Ha, dist Tripet, puis que tu es pouvre diable, c’est raison que passez oultre/ car tout pauvre diable passe par tout sans peage ny gabelle. Mais ce n’est de coustume
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que pauvres diables soient si bien montez: pourtant monsieur le diable descendez, que je aye le roussin, et si bien il ne me porte, vous maistre diable me porterez. Car j’ayme fort q’un diable tel m’en porte.

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