Comme panurge fit renverser les vvarloupes comme l’on faict ung brodequin ou les chaulses des femmes, et comme son grand pere avoit voulu faire paindre ces armes de troys pedz volans. Chapitre XVII.
Du depuis nous fusmes quelque temps vogans par la mer sans avoir aulcune infortune, mais tantost apres nous l’eusmes bien grande et bien merveilleuse, car la tormente se leva si horrible que nous fusmes jectes entre les sirtes qui sont les plus grands et enormes perilz de toute la
Et lors que je vis que la tormente ne cessoit point, je prie a mes gens qu’ilz se missent tous en priere et oraison, et qu’ilz jeunassent trois jours et trois nuyctz comme ceulx de ninive, c’est assavoir le premier et le second jour a feu et a sang, et le tiers a fer emoulu.
Cela faict dieu qui n’oublie point ses amys au besoing, voyant que pour meschans gens nous estions si gens de bien, nous jecta et preserva hors d’icelluy peril, par quoy nous tirasmes oultre et fismes racoutrer et calfeutrer nostre navire pour plus grande seurete.
Toutesfoys ignorans du grand peril qui nous estoit encor a advenir come vous orres. Nous tirasmes oultre et vismes aborder en
Ilz sont vestus d’escaile comme sont carpes, mais elles sont sans comparaison plus grandes et
Quant elles nous apperceurent la ou nous estions sortis hors de nostre navire, elles vindrent contre nous la gueulle ouverte, grande comme ung four a ban pour nous devorer et engloutir tous vifz, par quoy je fis deslacher a mes gens toutes leurs haquebutes et hacquebouses contre eulx, mais tout cela n’y servit de rien, car leur escaille estoit si dure et si espesse que noz bouletz et plombees n’eussent sceu prendre dessus, parquoy ilz rejalissoient vers nous.
Lors quant je vis cela j’eu merveilleusement grand peur, par quoy je dis a mes gens qu’ilz prinsent couraige, et qu’ilz missent les bras jusques aux espaules dedans les gueulles desdictz vvarlouphes si avant qu’ilz les prinsent par la queue, et qu’ilz les retournassent le dedans dehors, comme l’on faict les brodequins, ou comme faict une femme sa chaulse, quant elle chasse aux puces.
Ce que mes gens feirent et moy aussi a tous ceulx qui vindrent pour nous courir sus, au moyen de quoy nous eschapasmes.
Et ce qui m’en advisa fut pour ce que j’avoye aultresfoys ouy conter a mon pere grand qu’il
Il me conta aussi qu’il avoit faict une foys ung si gros ped qu’il en avoit faict enfouyr bien trente loups, qui couroient de nuyct le pays de beauvoisy, et en admenoient quinze ou seize vaches qu’ilz avoient desrobees et prinses pour butin, lesquelles ilz chassoient devant eulx, et par dedans ung boys, et pour icelle vailance il voulut faire paindre en ses armes troys pedz volantz.
Il parla a plusieurs painctres pour faire lesdictes armes lesquelles il leur declara, c’est assavoir qu’il vouloit dedans ung escusson, le champ de gueules, et au milieu troys pedz volans, les paintres luy en firent ung pourtraict qu’il trouva asses bon, mais la science leur fallist a tous au plus fort de la besongne, car nul d’iceulx painctres ne sceust jamais inventer ne dire de quelle couleur est ung ped, ne celluy mesmes qui les vouloit faire paindre, par quoy l’euvre demoura imparfaicte.
Et quant il fut mort, il donna charge a ces heritiers de faire paindre lesdictes armes ainsi que plus amplement l’on pourra veoir par son testament.