Comment les oiseaux de l' Isle Sonnante sont alimentez. CHAP. VI.
Pantagruel monstroit face triste, et sembloit non contant du sejour quatridien que nous terminoit Aeditue, ce qu'aperceut Aeditue, et dit. Seigneur, vous scavez que sept jours devant et sept jours apres breume jamais n'y a sur mer tempeste. C'est pour faveur que les elemens portent aux Alcyones, oiseaux sacrez à thetis, qui pour lors ponnent et esclouent leurs petits lez le rivage. Icy la mer se revenche de ce long calme, et par quatre jours ne cesse de tempester enormement quant quelques voyagiers y arrivent. La cause nous estimons afin que ce temps durant necessité les contraigne y demourer, pour estre bien festoyez des revenus de sonnerie. Pourtant n'estimez temps icy ocieusement perdu. Force, forcee vous y retiendra. Si ne voulez combatre Juno, Neptune, Doris, Aeolus, et tous les vejoves, seulement deliberez vous de faire chere lie. Apres les premieres bauffures, frere Jehan demandoit à Aeditue, en ceste Isle vous n'avez que cages et oiseaux, ils ne labourent ne cultivent la terre. Toute leur occupation est à gaudir, gazouiller et chanter. De quel pays vous vient ceste corne d'abondance, et copie de tant de biens et frians morceaux. De tout l'autre monde, respondit
Diables s'escria Panurge, tant vous avez d'aises en ce monde. En l'autre, respondit Aeditue, en aurons nous bien d'avantage. Les champs Eliziens ne nous manqueront, pour le moins. Beuvons amis, je boy à toy. C'a esté di-je esprit moult divin et parfait à vos premiers Siticines avoir le moyen inventé, par lequel vous avez ce que tous humains appetent naturellement, et à peu d'iceux, ou proprement parler, à nul est octroyé. C'est paradis en ceste vie, et en l'autre pareillement avoir. O gens heureux, O semidieux, Pleust au ciel qu'il m'avint ainsi.