Les propos des bien-ivres. Chapitre 5

Puis entrèrent en propos de réjeuner on propre lieu.

Lors flacons d'aller : jambons

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de trotter, gobelets de voler, breusses de tinter. « Tire, baille, tourne, brouille. —Boute à moi, sans eau, ainsi mon ami fouette-moi ce verre galantement, produis-moi du clairet, verre pleurant. —Trève de soif, Ha fausse fièvre, ne t'en iras-tu pas ? —Par ma fi, ma commère, je ne peux entrer en bette. —Vous êtes morfondue m'amie. —Voire. —Ventre saint Quenet, parlons de boire. —Je ne bois qu'à mes heures, comme la mule du pape. —Je ne bois qu'en mon bréviaire, comme un beau père gardien. —Qui fut premier soif ou beuverie ? —Soif. Car qui eût bu sans soif durant le temps de innocence ? —Beuverie. Car privatio praesupponit habitum. Je suis clerc. Foecundi calices quem non fecere disertum. —Nous autres innocents ne buvons que trop sans soif. —Non moi, pécheur sans soif. Et sinon présente pour le moins future. La prévenant comme entendez. —Je bois pour la soif à venir. —Je bois éternellement, ce m'est éternité de beuverie, et beuverie de éternité. —Chantons,
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buvons un motet. —Entonnons. Où est mon entonnoir ? —Quoi ? je ne bois que par procuration.

—Mouillez-vous pour sécher, ou vous séchez pour mouiller ? —Je n'entends point la théorique de la pratique, je m'aide quelque peu. —Hâte. —Je mouille, j'humecte, je bois : et tout de peur de mourir. —Buvez toujours, vous ne mourrez jamais. —Si je ne bois je suis à sec. Me voilà mort. Mon âme s'en fuira en quelque grenouillère. En sec jamais l'âme ne habite. —Sommeliers, ô créateurs de nouvelles formes, rendez-moi de non-buvant buvant. —Pérennité d'arrosement par ces nerveux et secs boyaux. —Pour néant boit qui ne s'en sent. —Cettui entre dedans les veines, la pissotière n'y aura rien. —Je laverais volontiers les tripes de ce veau que j'ai ce matin habillé. —J'ai bien sabourré mon estomac. —Si le papier de mes cédules buvait aussi bien que je fais, mes créditeurs auraient bien leur vin quand on viendrait à la formule d'exhiber.

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—Cette main vous gâte le nez. —Ô quants autres y entreront, avant que cettui-ci en sorte ! —Boire à si petit gué : c'est pour rompre son poitrail. —Ceci s'appelle pipée à flacons. —Quelle différence est entre bouteille et flacon ? —Grande, car bouteille est fermée à bouchon, et flacon à vis. —De belles. —Nos pères burent bien et vidèrent les pots. —C'est bien chié chanté, buvons. —Voulez vous rien mander à la rivière ? Cettui-ci va laver les tripes. —Je ne bois en plus qu'une éponge. —Je bois comme un templier, —et je tanquam sponsus, —et moi sicut terra sine aqua. —Un synonyme de jambon ? —c'est une compulsoire de buvettes. —C'est un poulain. Par le poulain on descend le vin en cave, par le jambon, en l'estomac. —Or çà à boire, boire çà. —Il n'y a point charge. Respice personam : pone pro duos : bus non est in usu. —Si je montais aussi bien comme j'avale, je fusse pieça haut en l'air. Ainsi se fit Jacques Coeur riche. Ainsi profitent bois en friche. Ainsi conquêta
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Bacchus l' Inde. Ainsi philosophie Melinde. —Petite pluie abat grand vent. Longues buvettes rompent le tonnerre. —Mais si ma couille pissait telle urine, la voudriez-vous bien sucer ? —Je retiens après. —Page, baille, je t'insinue ma nomination en mon tour. —Hume, Guillot, encore y en a-t-il un pot. —Je me porte pour appelant de soif, comme d'abus. —Page, relève mon appel en forme. Cette rognure. —Je soulais jadis boire tout : maintenant je n'y laisse rien. —Ne nous hâtons pas, et amassons bien tout. —Voici tripes de jeu, et godebillaux d'envi. —De ce fauveau à la raie noire. Ô pour Dieu étrillons-le à profit de ménage. —Buvez ou je vous.... —Non, non. Buvez, je vous en prie. —Les passereaux ne mangent sinon qu'on leur tape les queues. Je ne bois sinon qu'on me flatte. —Lagona edatera. Il n'y a raboullière en tout mon corps où cettui vin ne furète la soif. Cettui-ci me la fouette bien. Cettui-ci me la bannira du tout. —Cornons ici
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à son de flacons et bouteilles, que quiconque aura perdu la soif, n'ait à la chercher céans. —Longs clystères de beuverie l'ont fait vider hors le logis. —Le grand Dieu fit les planètes : et nous faisons les plats nets. —J'ai la parole de Dieu en bouche : Sitio. —La pierre dite abestos n'est plus inextinguible que la soif de ma paternité. —L'appétit vient en mangeant, disait Angest on Mans. La soif s'en va en buvant. —Remède contre la soif ? Il est contraire à celui qui est contre morsure de chien : courez toujours après le chien, jamais ne vous mordra, buvez toujours avant la soif, et jamais ne vous adviendra. —Je vous y prends, je vous réveille. —Sommelier éternel, garde-nous de somme. Argus avait cent yeux pour voir, cent mains : faut à un sommelier comme avait Briarée, pour infatigablement verser. —Mouillons, hay, il fait beau sécher. —Du blanc. —Verse tout. —Verse de par le diable, verse. —Deçà, tout plein, la langue me pèle. —Lans,
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trinque, à toi compaing, dehait, dehait, là, là, là, c'est morfiaillé cela. —Ô lachryma Christi : c'est de la Devinière. —C'est vin pineau. —Ô le gentil vin blanc, et par mon âme ce n'est que vin de taffetas. —Hen hen, il est à une oreille, bien drapé, et de bonne laine. —Mon compagnon, courage. Pour ce jeu nous ne volerons pas, car j'ai fait un levé. —Ex hoc in hoc. Il n'y a point d'enchantement chacun de vous l'a vu. —J'y suis maître passé. A brum a brum, je suis prêtre Mace. —Ô les buveurs, Ô les altérés. —Page mon ami, emplis ici et couronne le vin je te prie. —À la cardinale : Natura abhorret vacuum. Diriez-vous qu'une mouche y eût bu ? —À la mode de Bretagne. —Net, net, à ce piot. —Avalez, ce sont herbes.

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