Énigme en prophétie. Chapitre 58



Pauvres humains, qui bon heur attendez
Levez vos coeurs, et mes dits entendez.
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S'il est permis de croire fermement
>Que par les corps qui sont au firmament,
Humain esprit de soi puisse advenir
À prononcer les choses à venir ;
Ou si l'on peut par divine puissance
Du sort futur avoir la connaissance,
Tant que l'on juge en assuré discours
Des ans lointains la destinée et cours,
Je fais savoir à qui le veut entendre,
Que cet hiver prochain sans plus attendre
Voire plus tôt en ce lieu où nous sommes
Il sortira une manière d'hommes,
Las du repos, et fâchés du séjour,
Qui franchement iront, et de plein jour
Suborner gens de toutes qualités
À différend et partialités.
Et qui voudra les croire et écouter :
(Quoi qu'il en doive advenir et coûter)
Ils feront mettre en débats apparents
Amis entre eux et les proches parents.
Le fils hardi ne craindra l'impropère
De se bander contre son propre père,
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Même les grands de noble lieu saillis
De leurs sujets se verront assaillis.
Et le devoir d'honneur et révérence
Perdra pour lors tout ordre et différence,
Car ils diront que chacun à son tour
Doit aller haut, et puis faire retour.
Et sur ce point aura tant de mêlées,
Tant de discords, venues, et allées,
Que nulle histoire, ou sont les grands merveilles
A fait récit d'émotions pareilles.
Lors se verra maint homme de valeur
Par l'aiguillon de jeunesse et chaleur
Et croire trop ce fervent appétit
Mourir en fleur, et vivre bien petit
Et ne pourra nul laisser cet ouvrage.
Si une fois il y met le courage,
Qu'il n'ait empli par noises et débats
Le ciel de bruit, et la terre de pas.
Alors auront non moindre autorité
Hommes sans foi, que gens de vérité :
Car tous suivront la créance et étude
De l'ignorante et sotte multitude.
Dont le plus lourd sera reçu pour juge.
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Ô dommageable et pénible déluge,
Déluge (dis-je) et à bonne raison,
Car ce travail ne perdra sa saison
Ni n'en sera délivrée la terre :
Jusqu'à tant qu'il en sorte à grand erre
Soudaines eaux, dont les plus attrempés
En combattant seront pris et trempés,
Et à bon droit : car leur coeur adonné
À ce combat, n'aura point pardonné
Même aux troupeaux des innocentes bêtes
Que de leurs nerfs, et boyaux déshonnêtes
Il ne soit fait, non aux dieux sacrifice
Mais au mortels ordinaire service.
Or maintenant je vous laisse penser
Comment le tout se pourra dispenser.
Et quel repos en noise si profonde
Aura le corps de la machine ronde.
Les plus heureux qui plus d'elle tiendront
Moins de la perdre et gâter s'abstiendront,
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Et tâcheront en plus d'une manière
À l'asservir et rendre prisonnière,
En tel endroit que la pauvre défaite
N'aura recours qu'à celui qui l'a faite.
Et pour le pis de son triste accident
Le clair soleil, ains qu'être en occident
Lairra épandre obscurité sur elle
Plus que d'éclipse, ou de nuit naturelle.
Dont en un coup perdra sa liberté,
Et du haut ciel la faveur et clarté.
Ou pour le moins demeurera déserte,
Mais elle avant cette ruine et perte
Aura long temps montré sensiblement
Un violent et si grand tremblement,
Que lors Etna ne fut tant agitée,
Quand sur un fils de Titan fut jetée.
Et plus soudain ne doit être estimé
Le mouvement que fit Inarimé
Quand Tiphoeus si fort se dépita,
Que dans la mer les monts précipita.
Ainsi sera en peu d'heure rangée
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À triste état, et si souvent changée,
Que même ceux qui tenue l'auront
Aux survenants occuper la lairront.
Lors sera près le temps bon et propice
De mettre fin à ce long exercice :
Car les grands eaux dont oyez deviser
Feront chacun la retraite aviser.
Et toutefois devant le partement
On pourra voir en l'air apertement
L'âpre chaleur d'une grand flamme éprise,
Pour mettre à fin les eaux et l'entreprise.
Reste en après ces accidents parfaits
Que les élus joyeusement refaits
Soient de tous biens, et de manne céleste
Et d'abondant par récompense honnête
Enrichis soient. Les autres en la fin
Soient dénués. C'est la raison, afin
Que ce travail en tel point terminé
Un chacun ait son sort prédestiné.
Tel fut l'accord. Ô qu'est à révérer
Cil qui enfin pourra persévérer.

La lecture de cettui monument parachevée,

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Gargantua soupira profondément, et dit ès assistants :

« Ce n'est de maintenant que les gens réduits à la créance évangélique sont persécutés. Mais bienheureux est celui qui ne sera scandalisé et qui toujours tendra au but, au blanc, que Dieu par son cher fils nous a préfix, sans par ses affections charnelles être distrait ni diverti ». Le moine dit. « Que pensez-vous en votre entendement être par cet énigme désigné et signifié ? —Quoi ? dit Gargantua, le décours et maintien de vérité divine. —Par saint Goderan (dit le moine), telle n'est mon exposition. Le style est de Merlin le prophète. Donnez y allégories et intelligences tant graves que voudrez. Et y ravassez, vous et tout le monde ainsi que voudrez : de ma part je n'y pense autre sens enclos qu'une description du jeu de paume sous obscures paroles. Les suborneurs de gens sont les faiseurs de parties, qui sont ordinairement amis. Et après

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les deux chasses faites, sort hors le jeu celui qui y était et l'autre y entre. On croit le premier qui dit si l'éteuf est sur ou sous la corde. Les eaux sont les sueurs. Les cordes des raquettes sont faites de boyaux de moutons ou de chèvres. La machine ronde est la pelote ou l'éteuf. Après le jeu, on se rafraîchit devant un clair feu et change l'on de chemise. Et volontiers banquette l'on, mais plus joyeusement ceux qui ont gagné. Et grand chère.

FIN
Réel    Hypothétique    Fictif    Mythique   
Région, contrée    Ville, village    Bâtiment    Étendue, cours d'eau    Montagne, île, ...    Autre