¶Comment Picrochole print d’assault la roche Clermaud et le regret et difficulte que feist Grandgousier de entreprendre guerre. Chap. xxvi.
Ce pendent que le moyne s’escarmouchoit comme avons dict contre ceulx qui avoient entre le clous, Picrochole a grande hastivete passa le gue de Vede avecques ses gens et assaillit la roche Clermaud, on quel lieu ne luy feut faicte resistance quelconques, et par ce qu’il estoyt ja nuyct delibera en ycelle
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ville se heberger soy et ses gens, et refraischir de sa cholere pungitive. Au matin prit d’assault les boullevars et chasteau et le rempara tresbien: et le proveut de munitions requises, pensant la fayre sa retraicte si d’ailleurs estoyt assailly. Car le lieu estoyt fort et par art et par nature, a cause de sa situation, et assiete. Or laissons les la, et retournons a nostre bon Gargantua
qui est a Paris bien instant a l’estude de bonnes letres et exercitations athleticques, et le vieulx bon homme Grand gousier son pere, qui apres souper se chauffe les couiles a un beau clair et grand feu et attendent graisler des chastaignes escript on foyer avec un baston brusle d’un bout, dont on escharbotte le feu: faisant a sa femme et famille de beaux contes du temps jadys. Un des bergiers qui guardoient les vignes nomme Pillot : se transporta devers luy en ycelle heure, et raconta entierement les exces et pillaiges que faisoyt Picrochole roy de Lerne en ses terres et dommaines, et comment il avoyt pille/ guaste/ sacage tout le pays, excepte le clous de Seuille que frere Jean des entommeures avoyt saulve a son honneur, et de present estoyt ledit roy en la roche clermaud : ou a grande instance se remparoyt, luy et ses gens. Holos/ Holos dist Grandgousier, qu’est cecy bonnes gens? Songe je ou si vray est ce qu’on me dict? Picrochole mon amy Page [101]
ancien, de tout temps, de toute race et alliance me vient il assaillir? Qui le meut? qui le poinct? qui le conduict? qui l’a ainsi conseille? Ho/ ho/ ho/ ho/ ho. Mon dieu mon saulveur, ayde moy, inspire moy, conseille moy a ce qu’est de faire. Je proteste, je jure davant toy, ainsy me soys tu favorable, sy jamais a luy desplaisir ne a ses gens dommage, ne en ses terres je feys pillerie, mais bien au contrayre, je l’ay secouru de gens, d’argent, de faveur et de conseil, en tous cas, que ay peu congnoistre son adventaige. Qu’il me ayt doncques en ce poinct oultrage, ce ne peut estre que par l’esprit maling. Bon dieu tu cognoys mon couraige, car a toy rien ne peut estre cele. Si par cas il estoyt devenu furieux, et que pour luy rehabilliter son cerveau tu me l’eusse ycy envoye: donne moy et povoir/ et scavoir le rendre au jouc de ton sainct vouloir par bonne discipline. Ho/ ho/ ho. Mes bonnes gens mes amys, et mes feaulx serviteurs, fauldra il que je vous empesche a me y ayder? Las, ma vieillesse ne requeroyt dorenavant que repous, et toute ma vye n’ay rien tant procure que paix. Mais il fault, je le voy bien, que maintenant de harnoys je charge mes pauvres espaules lasses et foibles, et en ma main tremblante je preigne la lance et la masse: pour secourir et guarantir mes pauvres subjectz. La raison le veult ainsi, car de leur labeur je Page [102]
suys entretenu, et de leur sueur je suys nourry moy, mes enfans et ma famile. Ce non obstant, je n’entreprendray poinct guerre, que je n’aye essaye tous les ars et moyens de paix, la je me resolus. Adoncques feist convocquer son conseil et propousa l’affayre tel comme il estoyt. Et feut conclut qu’on envoyroyt quelque homme prudent devers Picrochole, scavoir pourquoy ainsi soubdainement estoyt party de son repous, et envahy les terres, es quel les n’avoyt droict quiconques. Davantaige qu’on envoyast querir Gargantua et ses gens, affin de maintenir le pays, et defendre a ce besoing. Le tout pleut a Grandgousier et commenda que ainsi feust faict. Dont sus l’heure envoya le Basque son laquays querir a toute diligence Gargantua Et luy escryvit comme s’ensuyt.
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Hypothétique
Fictif
Mythique
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