¶Comment Gargantua demollyt le chasteau du Gue de Vedechasteau du Gue de VedeGue de VedeVede, et comment ilz passerent le Gue. Chap, xxxiiij.

Venu que fut raconta l’estat auquel il avoit trouve les ennemys et du Stratageme qu’il avoit faict, luy seul contre toute leur caterve affirmant que ilz n’estoient que maraulx pilleurs et brigans, ignorans de toute discipline militaire/ et que hardiment ilz se missent en voye, car il leur seroit tresfacile de les assommer comme bestes. Adoncques monta Gargantua sus sa grande jument, acompaigne comme davant avons dict. Et trouvant en son chemin un hault et grand Alne grand arbre, (lequel communement on nommoyt l’arbre de sainct Martin / pour ce qu’ainsi estoit creu ung bourdon que jadis sainct Martin y planta) dist. Voicy ce qu’il me failloyt. Cest arbre me servira de bourdon et de lance. Et l’arrachit facilement de

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terre et en housta les rameaux, et le para pour son plaisir. Ce pendent sa jument pissa pour se lascher le ventre: mais ce fut en telle abondance: qu’elle en feist sept lieues de deluge/ et deriva tout le pissat au guede Vedeguede VedeVede et tant l’enfla devers le fil de l’eau, que toute ceste bande des ennemys furent en grand horreur noyez, exceptez aulcuns qui avoient prins le chemin vers les cousteaulx a gausche. Gargantua venu a l’endroit du boys de Vedeboys de VedeVede fut advise par Eudemon que dedans le chasteau estoyt quelque reste des ennemys, pour laquelle chose scavoir Gargantua s’escria tant qu’il peut. Estez vous la, ou n’y estez pas? Si vous y estez, n’y soyez plus: si n’y estez: je n’ay que dire. Mais un ribaud canonnier qui estoyt au machicoulys, luy tyra un coup de canon, et le attainct par la temple dextre furieusement: toutesfoys ne luy feist pour ce mal en plus que s’il luy eust gette une prune. Qu’est ce la? dist Gargantua, nous gettez vous icy des grains de raizins? La vendange vous coustera cher. Pensant de vray que le boulet feust un grain de raizin. Ceulx qui estoient dedans le chasteau amusez a la pille entendant le bruyt coururent aux tours/ et forteresses, et luy tirerent plus de neuf mille vingt et cinq coups de faulconneaux / et arquebouzes, visans tous a sa
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teste: et si menu tiroyent contre luy, qu’il s’escrya/ Ponocrates mon amy ces mouches icy me aveuglent, baillez moy quelque rameau de ces saulles pour les chasser. Pensant des plombees et pierres d’artillerye que feussent mousches bovines. Ponocrates l’advisa que ce n’estoient aultres mousches que les coups d’artillerye que l’on tiroyt du chasteau. Alors chocqua de son grand arbre contre le chasteau, et a grans coups abastit et tours/ et forteresses/ et ruyna tout par terre. Par ce moien feurent tous rompuz/ et mys en pieces ceulx qui estoient en icelluy. De la partans arriverent au port du molin, et trouverent tout le gue couvert de corps mors, en telle foulle qu’ilz avoient enguorge le cours du molin. Et c’estoient ceulx qui estoient peritz au deluge urinal de la jument. La feurent en pensement comment ilz pourroient passer, veu l’empeschement de ces cadavres. Mais Gymnaste dist. Si les diables y ont passe, je y passeray fort bien. Les diables (dist Eudemon) y ont passe pour en emporter les ames damnees: sainct Treignan (dist Ponocrates) par doncques consequence necessaire il y passera. Voyre voyre, dist Gymnaste, ou je demoureray en chemin. et donnant des esperons a son cheval passa franschement oultre, sans que jamais son cheval eust fraieur des
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corps mors. Car il l’avoit acoustume (selon la doctrine de Aelian) a ne craindre poinct les armes, ny corps mors. Non en tuant les gens, comme Diomedes tuoyt les Thraces, et Ulysses mettoyt les corps de ses ennemys es pieds de ses chevaulx, ainsi que raconte Homere : mais en luy mettant un phantosme par my son foin, et le faisant ordinairement passer sus icelluy quand il luy bailloyt son avoyne. Les troys aultres le suyvirent sans faillir, excepte Eudemon, du quel le cheval enfoncea le pied droict jusques au genoil dedans la panse d’ung gros et gras villain, qui estoit la noye a l’envers, et ne le povoyt tyrer hors: ainsi demouroit empestre, jusques a ce que Gargantua du bout de son baston enfondra le reste des tripes du villain en l’eau ce pendent que le cheval levoit le pied. Et (qui est chose merveilleuse en Hippiatrie) feut ledict cheval guery d’un surot qu’il avoit en celluy pied, par l’atouchement des boyaux de ce gros marroufle.

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