¶Comment Grandgouzier traicta humainement Toucquedillon prisonnier. Chap. xliiii.
Toucquedillon fut presente a Grandgouzier, et interroge par icelluy sus l’entreprinze et affayres de Picrochole, quelle fin il pretendoyt par ce tumultuaire vacarme. A quoy respondoyt, que sa fin et sa destinee
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estoyt de conquester tout le pays s’il povoyt, pour l’injure faicte a ses fouaciers. C’est (dist Grandgouzier) trop entreprint / qui trop embrasse peu estrainct. Le temps n’est plus d’ainsi conquester les royaulmes avecques dommaige de son prochain frere christian, ceste imitation des anciens/ Hercules/ Alexandres / Hannibalz/ Scipions/ Cesars/ et aultres telz est contraire a la profession de l’evangile. par lequel nous est com mande/ garder/ saulver/ regir/ et administrer chascun ses pays et terres, non hostilement envahir les aultres. Et ce que les Sarrazins et Barbares jadys appelloient prouesses, maintenant nous appellons briguanderies, et mechansetez. Mieulx eust il faict soy contenir en sa maison royallement la gouvernant que insulter en la mienne/ hostilement la pillant. car par bien la gouverner l’eust augmentee, par me piller sera destruict. Allez vous en au nom de dieu suyvez bonne entreprinse remonstrez a vostre roy les erreurs que congnoistrez. et jamais ne le conseillez ayant esgard a vostre profit particulier, car avecques le commun est aussy le propre perdu. Quand est de vostre ranczon, je vous la donne entierement, et veulx que vous soient rendues armes et cheval, ainsi fault il fayre entre voisins et anciens amis, veu que ceste nostre difference, n’est poinct guerre Page [162]
proprement. Comme Platon vouloit estre non guerre nommee, ains sedition quant les Grecz meuvoient armes les uns contre les aultres. Ce que si par male fortune advenoyt, il commende qu’on usa de toute modestie. Si guerre la nommez, elle n’est que superficiaire: elle n’entre poinct au profond cabinet de noz cueurs. Car nul de nous n’est oultraige en son honneur: et n’est question en somme totale, que de rabiller quelque faulte commise par noz gens, j’entends et vostres et nostres. Laquelle encores que congneussiez, vous doibviez laisser couler oultre. car les personnages querelans estoient plus a contempner, que a rementevoir, mesmement leurs satisfaisant scelon le grief, comme je me suis offert. Dieu sera juste estimateur de nostre different, lequel je supply plus toust par mort me tollir de ceste vie/ et mes biens deperir davant mes yeulx, que par moy ny les miens en rien soyt offence. Ces paroles achevees appella le Moyne, et davant tous luy demanda, frere Jean mon bon amy estez vous qui avez prins le capitaine Toucquedillon icy present? Cire (dist le moyne) il est icy present, il a aage et discretion, j’ayme mieulx que le sachez par sa confession, que par ma parole. Adoncques dist Toucquedillon. Seigneur c’est luy veritablement qui m’a prins, et je me rends son prisonnier Page [163]
franchement. L’avez vous (dist Grandgouzier au moyne) mis a ranczon? Non. dist le moyne. De cela je ne me soucie. Combien (dist Grandgouzier) vouldriez vous de la prinze? Rien rien (dist le moyne) cela ne me mene pas. Lors commenda Grandgouzier, que present Toucquedillon feussent contez au moyne soixante et deux mille saluz, pour celle prinse. Ce que fut faict ce pendant qu’on feist la collation au dict Toucquedillon au quel demanda Grandgouzier s’il vouloit demourer avecques luy/ ou si mieulx aymoit retourner a son roy? Toucquedillon respondit, qu’il tiendroit le party lequel il luy conseilleroit. Doncques (dist Grandgouzier) retournez a vostre roy, et dieu soit avecques vous. Puis luy donna une belle espee de Vienne, avecq le fourreau d’or faict a belles vignettes d’orfeverye/ et ung collier d’or pesant sept marcz, garny de fines pierreries, a l’estimation de cent soixante mille ducatz/ et dix mille escuz par present honorable. Apres ces propous monta Toucquedillon sus son cheval. Gargantua pour sa seurete luy bailla trente hommes d’armes et six vingt archiers soubz la conduicte de Gymnaste, pour le mener jusques es portes de la Roche clermaud, si besoing estoit. Icelluy departy le moyne rendit a Grandgouzier / les soixante et deux mille salutz qu’ilz avoit repceu/ Page [164]
disant. Cire ce n’est ores, que vous doibviez faire telz dons. attendez la fin de ceste guerre, car l’on ne scait quelz affaires pourroient survenir. Et guerre faicte sans bonne provision d’argent, n’a q’un souspirail de vigueur. Les nerfz des batailles sont les pecunes. Doncques (dist Grandgouzier) a la fin je vous contenteray par honeste recompense/ et tous ceulx qui me auront bien servy.
Réel
Hypothétique
Fictif
Mythique
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Montagne, île, ...
Autre
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