De ce qu'est signifié par les couleurs blanc et bleu. Chapitre 10

Le blanc donc signifie joie, soulas, et liesse : et non à tort le signifie, mais à bon droit et juste titre. Ce que pourrez vérifier si arrière mises vos affections voulez entendre ce que présentement vous exposerai.

Aristote dit que supposent deux choses contraires en leur espèce : comme bien et mal : vertu et vice : froid et chaud : blanc et noir : volupté et douleur : joie et deuil, et ainsi de autres si vous les couplez en telle façon, qu'un contraire d'une espèce convienne raisonnablement à l'un contraire d'une autre, il est conséquent,

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que l'autre contraire compète avec l'autre résidu. Exemple : vertu et vice sont contraires en une espèce, aussi sont Bien et Mal. Si l'un des contraires de la première espèce convient à l'un de la seconde comme vertu et bien : car il est su : que vertu est bonne, ainsi feront les deux résidus, qui sont mal et vice, car vice est mauvais.

Cette règle logicale entendue, prenez ces deux contraires, joie et tristesse : puis ces deux, blanc et noir. Car ils sont contraires physicalement. Si ainsi donc est que noir signifie deuil, à bon droit blanc signifiera joie.

Et n'est cette signifiance par imposition humaine instituée, mais reçue par consentement de tout le monde, que les philosophes nomment jus gentium, droit universel valable par toutes contrées.

Comme assez savez, que tous peuples, toutes nations (je excepte les antiques Syracusains et quelques Argives : qui avaient l'âme de travers) toutes langues

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voulant extérieurement démontrer leur tristesse portent habit de noir : et tout deuil est fait par noir. Lequel consentement universel n'est fait que nature n'en donne quelque argument et raison : laquelle un chacun peut soudain par soi comprendre sans autrement être instruit de personne, laquelle nous appelons droit naturel.

Par le blanc à même induction de nature tout le monde à entendu joie, liesse, soulas, plaisir, et délectation.

Au temps passé les Thraces et Crètes signaient les jours bien fortunés et joyeux, de pierres blanches : les tristes et défortunés, de noires.

La nuit n'est-elle funeste, triste, et mélancolieuse ? Elle est noire et obscure par privation. La clarté n'éjouit-elle toute nature ? Elle est blanche plus que chose que soit. À quoi prouver je vous pourrais renvoyer au livre de Laurent Valla contre Bartole, mais le témoignage évangélique vous contentera. Mathieu

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17 est dit qu'à la transfiguration de Notre Seigneur : vestimenta ejus facta sunt alba sicut lux, ses vêtements furent faits blancs comme la lumière. Par laquelle blancheur lumineuse donnait entendre à ses trois apôtres l'idée et figure des joies éternelles. Car par la clarté sont tous humains éjouis. Comme vous avez le dit d'une vieille que n'avait dents en gueule, encore disait-elle Bona lux. Et Tobie, chap. 5 quand il eut perdu la vue, lorsque Raphaël le salua, répondit. Quelle joie pourrais-je avoir qui point ne vois la lumière du ciel ? En telle couleur témoignèrent les anges la joie de tout l'univers à la résurrection du sauveur, Jean 20 et à son ascension, Actes 1. De semblable parure vit saint Jean évangéliste Apocal. 4 et. 7 les fidèles vêtus en la céleste et béatifiée Jérusalem.

Lisez les histoires antiques tant grecques que romaines, vous trouverez que la ville de Albe (premier patron de Rome)

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fut et construite et appelée à l'invention d'une truie blanche.

Vous trouverez que si à aucun après avoir eu des ennemis victoire, était décrété qu'il entrât à Rome en état triomphant, il y entrait sur un char tiré par chevaux blancs. Autant celui qui y entrait en ovation. Car par signe ni couleur ne pouvaient plus certainement exprimer la joie de leur venue, que par la blancheur.

Vous trouverez que Périclès duc des Athéniens voulut celle part de ses gendarmes èsquels par sort étaient advenus les fèves blanches, passer toute la journée en joie, soulas, et repos : cependant que ceux de l'autre part batailleraient. Mille autres exemples et lieux à ce propos vous pourrais-je exposer, mais ce n'est ici le lieu.

Moyennant laquelle intelligence pouvez résoudre un problème, lequel Alexandre Aphrodise a réputé insoluble. Pourquoi le Lion, qui de son seul cri et rugissement

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épouvante tous animaux, seulement craint et révère le coq blanc ? Car (ainsi que dit Proclus lib. de sacrificio et magia) c'est parce que la présence de la vertu du soleil, qui est l'organe et promptuaire de toute lumière terrestre et sidérale, plus est symbolisante et compétente au coq blanc : tant pour icelle couleur que pour sa propriété et ordre spécifique que au Lion. Plus dit, qu'en forme léonine ont été diables souvent vus, lesquels à la présence d'un coq blanc soudainement sont disparus.

Ce est la cause pourquoi Galli. (ce sont les Français ainsi appelés parce que blancs sont naturellement comme lait, que les Grecs nomment gala) volontiers portent plumes blanches sur leurs bonnets. Car par nature, ils sont joyeux, candides, gracieux et bien aimés : et pour leur symbole et enseigne ont la fleur plus que nulle autre blanche, c'est le lys.

Si demandez comment par couleur blanche nature nous induit entendre

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joie et liesse : je vous réponds, que l'analogie et conformité est telle. Car comme le blanc extérieurement disgrège et épart la vue, dissolvant manifestement les esprits visifs, selon l'opinion de Aristote en ses Problèmes, et des perspectifs, et le voyez par expérience : quand vous passez les monts couverts de neige : en sorte que vous plaignez de ne pouvoir bien regarder, ainsi que Xénophon écrit être advenu à ses gens : et comme Galien expose amplement lib. 10 de usu partium : tout ainsi le coeur par joie excellente est intérieurement épart et pâtit manifeste résolution des esprits vitaux Laquelle tant peut être accrue ; que le coeur demeurerait spolié de son entretien, et par conséquent serait la vie éteinte, par cette perichairie comme dit Galien lib. 12 Metho. li. 5 de locis affectis et li. 2 de symptomaton causis Et comme être au temps passé advenu témoignent Marc Tulle li. 1 Quaestio Tusculanes Verrius, Aristote, Tite-Live, après
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la bataille de Cannes, Pline lib. 7 122 et 53 Aulus Gellius li. 3, 15 et autres. À Diagoras Rhodien, Chilon, Sophocles, Denys, tyran de Sicile, Philippides, Philémon, Polycrata, Philistion, Marcus Juventi, et autres qui moururent de joie. Et comme dit Avicenne in 2 canone, et lib. de viribus cordis, du safran, lequel tant éjouit le coeur qu'il le dépouille de vie si on en prend en dose excessive, par résolution et dilatation superflue, ici voyez Alexandre Aphrodisien. lib. primo problematum 119. Et pour cause. Mais quoi j'entre plus avant en cette matière, que n'établissais au commencement, ici donc calerai mes voiles remettant le reste au livre en ce consommé du tout. Et dirai en un mot que le bleu signifie certainement le ciel et choses célestes, par mêmes symboles que le blanc signifiait joie et plaisir.

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