Comment la Royne passoit temps apres disner. CHAP. XX.

Le disner parachevé fusmes par un Chachanin menez en la salle de la Dame, et veismes comment selon sa coustume, apres le past, elle accompagnee de ses damoiselles. et Princes de sa Cour, sassoit, sannissoit, belutoit, et passoit le temps avec un beau et grand sas de soye blanche et bleuë. Puis apperçeu que revoquans l'antiquité

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en usage ils jouerent ensemble aux Cordace Emmelie Sicinnie Iambicques Persicque Phrygie Nicatisme Thracie Calabrisme Molossicque Cernophore Mongas Thermanstrie Florule Pyrricque, et mille autres danses.

Depuis par son commandement visitasmes le Palais, et vismes choses tant nouvelles, admirables et estranges, qu'y pensant suis encores tout ravy en mon esprit. Rien toutesfois plus par admiration ne subvertit nos sens, que l'exercice des gentils -hommes de sa maison, Abstracteurs, Perazons, Nedibins, Spodizateurs, et autres, lesquels nous dirent franchement, sans dissimulation, que la dame Royne faisoit tout impossible et guarissoit les incurables. Seulement eux, ses officiers, faisoient, et guarissoient le reste.

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La je vy un jeune Parazon guarir les verolez je dy de la bien fine, comme vous diriez de Rouen, seulement leur touchant la vertebre dentiforme d'un morceau de sabot par trois fois.

Un autre je vy hydropiques parfaitement guarir, tympanistes, ascites et hyposargues, leur frappant par neuf fois sur le ventre d'une bezasse Tenedie, sans solution de continuité.

Un guarissoit de toutes fiebvres sur l'heure, seulement leurs pendant à la cinture, sus le costé gauche une queuë de Renard.

Un du mal des dents, seulement lavant, par trois fois la racine de la dent affligee, avec vinaigre suzat, et au soleil par demye heure la laissant desseicher.

Un autre, toute espece de goutte, fust chaude, fust froide, fust pareillement naturelle, fust accidentalle: seulement faisant es goutteux clorre la bouche, et ouvrir les yeux.

Un autre je vy, lequel en peu d'heure, guarist neuf bons gentilshommes du mal sainct François, les ostant de toutes debtes et à chascun d'eux mettant une corde au col, à laquelle pendoit une boitte pleine de dix mille escus au soleil.

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Un autre, par engin mirifique jettoit les maisons par les fenestres: ainsi restoient emundees d'air pestilent.

Un autre guarissoit toutes les trois manieres d'hetiques atrophes, tabides, emaciees, sans bains, sans laict Tabian, sans dropace, pication, n'autre medicament: Seulement les rendant moyennes par trois mois. Et m'affermoit que si en estat Monachal ils n'engraissoient, ne par art, ne par nature jamais n'engresseroient.

Un autre vy accompagné de femmes, en grand nombre, par deux bandes, l'une estoit de jeunes fillettes, saffrettes, tendrettes, blondettes, gratieuses, et de bonne volonté, ce me sembloit: L'autre de vieilles edentees, chassieuses, riddees, bazanees, cadavereuses. Là fut dit à Pantagruel, qu'il refondoit les vieilles, les faisant ainsi rejeunir, et telles par son art devenir, qu'estoient les fillettes là presentes, lesquelles il avoit cestuy jour reffondues, et entierement remises en pareille beauté, forme, elegance, grandeur, et composition des membres, comme estoient en l'aage de quinze et seize ans, excepté seulement les talons, lesquels leurs restent trop plus courts que n'avoyent en leur premiere jeunesse. Cela estoit la cause pourquoy elles d'orenavant

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à toutes rencontre d'hommes seront mout subjettes et faciles à tomber à la renverse. La bande des vieilles attendoit l'autre fournee en grande devotion, et l'importunoient en toute instance, alleguans que chose est en nature intolerable, quant beauté faut à cul de bonne volonté. Et avoit en son art pratique continuelle, et gain plus que mediocre. Pantagruel interroguoit, si par fonte pareillement faisoit les hommes vieux rejeunir: respondu luy fut, que non. Mais la maniere d'ainsi rejeunir estre, par habitation avec femme refondue: car là on prenoit ceste quinte espece de verole nommee la Pellade, en grec Ophiasis, moyennant laquelle on change de poil et de peau, comme font annuellement les Serpens, et en eux est jeunesse renouvellee, comme au Phenix d' Arabie : C'est la vraye Fontaine de jeunesse. Là soudain, qui vieux estoit et decrepit, devient jeune, alaigre, et dispos. Comme dit Euripides estre advenu à Iolaus, comme advint au beau Phaon tant aimé de Sappho, par le benefice de Venus, à Thithone, par le moyen d' Aurore, à Eson par l'art de Medee, et à Jason pareillement, qui selon le tesmoignage de Pherecides et de Simonides, fut par icelle reteint et rejeuny, et comme dit Eschilus estre advenu es nourrisses
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du bon Bacchus, et à leurs maris aussi.

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